Les cicadelles inquiètent de plus en plus les producteurs agricoles au Québec, en particulier les producteurs de fraises. Ces minuscules insectes, qui se nourrissent de la sève des plantes et qui agissent comme vecteurs de maladies végétales, seraient plus abondants dans les champs, et les dommages qu'ils causent seraient en hausse. De plus, de nouvelles espèces de cicadelles ont fait leur apparition au Québec au cours de la dernière décennie, apprend-on dans une étude publiée le 23 février dans la revue Cell Reports Sustainability.
«Les producteurs de fraises constatent de visu, à l'échelle de leurs champs, la présence de cicadelles et les dommages qu'elles causent. Pour valider leurs observations à plus grande échelle, nous avons mené une étude visant à mesurer la présence de cicadelles dans différentes régions du sud du Québec», explique Edel Pérez-López, professeur au Département de phytologie de l'Université Laval et chercheur au Centre de recherche et d'innovation sur les végétaux et à l'Institut de biologie intégrative et des systèmes de l'Université Laval.
En 2021 et en 2022, l'équipe du professeur Pérez-López a effectué un suivi de l'abondance des cicadelles dans 7 champs de fraises situés dans les régions de la Capitale-Nationale, de Chaudière-Appalaches, de la Mauricie et de la Montérégie. Pour ce faire, les chercheurs ont installé une dizaine de pièges adhésifs dans chacun de ces champs. Ces pièges étaient renouvelés chaque semaine, de la fin mai à la fin septembre. Ils ont ainsi capturé un total de 33 007 cicadelles que l'étudiant-chercheur et premier auteur de l'étude, Nicolas Plante, a identifiées avec une remarquable patience.
L'analyse des données confirme les appréhensions des producteurs de fraises. «Nous avons dénombré 118 espèces de cicadelles alors qu'une étude réalisée en 2008 avait rapporté un total de 50 espèces de cicadelles, souligne le professeur Pérez-López. De plus, nous avons répertorié 10 espèces de cicadelles qui n'avaient jamais été signalées au Québec. Même si notre échantillonnage a été effectué dans des champs de fraises, nous croyons que nos résultats reflètent aussi ce qui se passe dans les autres cultures. Par exemple, les espèces de cicadelles que nous avons trouvées dans les fraisiers sont aussi observées dans les vignobles et dans les champs de bleuets.»
Autre source d'inquiétude, les cicadelles présentes dans les champs de fraises semblent développer une résistance aux insecticides. En effet, les chercheurs ont constaté que l'application de quatre insecticides couramment prescrits contre les cicadelles ne réduisait pas leur abondance dans les champs de fraises. «Cela pourrait être dû à des changements dans leur microbiote intestinal, avance le professeur Pérez-López. D'autres études ont montré qu'une espèce de bactéries présentes dans l'intestin des cicadelles peut rendre ces insecticides inefficaces.»
«L'abondance des cicadelles, leur migration et leur microbiome sont sensibles aux effets des changements climatiques. De plus, nos résultats suggèrent que le contrôle de ces insectes sera de plus en plus difficile, résume le chercheur. C'est pourquoi nous considérons que les cicadelles pourraient être des marqueurs très intéressants pour suivre les impacts des changements climatiques en agriculture.»