
La rupture utérine pendant l'accouchement est un problème qui menace particulièrement les femmes qui ont déjà subi une césarienne. Plusieurs facteurs modulent le risque que survienne cet événement relativement rare, mais catastrophique, notamment la technique utilisée pour refermer l'utérus après césarienne. Le professeur Bujold et ses collègues ont comparé l'effet respectif de deux techniques de fermeture de la paroi utérine. La première, la plus en vogue il y a deux décennies, consiste à recoudre en deux plans les muscles de l'utérus. Dans la seconde, la fermeture de l'utérus est faite en un seul plan, ce qui nécessite moins de temps et moins de travail de suture. Cette méthode s'est imposée dans les années 1990, mais à l'aide de données recueillies sur une période de 10 ans dans des hôpitaux de la région de Montréal, les chercheurs ont démontré que cette technique augmentait de 2,7 fois le risque de rupture utérine chez les femmes qui tentaient subséquemment d'accoucher par voie vaginale. «Cette façon de faire a probablement contribué à de nombreux cas de rupture utérine survenus au cours des deux dernières décennies en Amérique du Nord, commente le professeur Bujold. Elle devrait être évitée si la mère souhaite accoucher par voie vaginale dans le futur.» Cette recommandation a une portée considérable puisque, chaque année en Amérique du Nord, plus de 500 000 femmes qui ont déjà accouché par césarienne tentent d'accoucher par voie vaginale. La plupart des hôpitaux canadiens ont déjà amorcé un retour à la fermeture de l'utérus en deux plans après césarienne, précise le professeur.
Étonnante aspirine
La prééclampsie est un problème qui touche environ 5 % des femmes pendant la deuxième moitié de la grossesse. Elle se manifeste par une hausse importante de la tension artérielle et par la présence de protéines dans l'urine. Cette hypertension de grossesse met en péril la vie de l'enfant et de la mère: environ 100 000 femmes en meurent chaque année dans le monde. Comme ce problème semble causé par une mauvaise circulation sanguine dans le placenta et que les plaquettes sanguines pourraient être en cause, des chercheurs ont proposé de prévenir la prééclampsie en recourant à l'aspirine, un médicament réputé pour ses propriétés antiplaquettaires. L'idée semblait bonne, mais les recherches réalisées sur la question depuis 20 ans ont produit des résultats contradictoires.
Pour tirer la question au clair, le professeur Bujold et ses collaborateurs ont entrepris de faire le ménage dans toutes ces données. Ils ont scruté à la loupe 34 études réalisées selon les règles de l'art auprès de femmes présentant des risques de prééclampsie. Au terme de leurs analyses, les chercheurs concluent que la prise quotidienne de faibles doses d'aspirine pendant les 16 premières semaines de grossesse réduit de plus de moitié le risque de prééclampsie. Par contre, l'aspirine n'est d'aucun secours si le traitement commence plus tardivement. «Plus la prise d'aspirine commence tôt, meilleurs sont les résultats, soulignent-ils. Nous ignorons pour l'instant s'il est bénéfique de poursuivre le traitement pendant toute la durée de la grossesse.»
Sylvie Marcoux, Stéphanie Roberge, Normand Brassard, Belkacem Abdous, Yves Lacasse, Marc Bureau, Jean-Claude Forest et Yves Giguère, de la Faculté de médecine, ont collaboré à la réalisation de ces deux études.