C’est pour aider les instrumentistes à gérer leur anxiété que l’étudiante Josiane Bissonnette, inscrite au doctorat en musique, a exploré les possibilités offertes par une technologie de pointe, l’exposition virtuelle, une approche en psychologie basée sur des projections vidéo.
«Ma recherche se situe au confluent de la musique, de la psychologie et de la technologie, explique celle qui termine actuellement la rédaction de sa thèse. En psychologie, un patient peut confronter ses peurs dans un environnement virtuel, lequel est moins intimidant que la réalité. Cette technique est de plus en plus utilisée. Je voulais voir dans quelle mesure un traitement novateur de ce type pouvait être utile aux musiciens.»
Le projet de recherche consistait à étudier l’anxiété de pianistes ou guitaristes lors de simulations de performance devant public et jury. Le Laboratoire de muséologie et d’ingénierie de la culture en a assuré le volet technologique. À partir des indications de Josiane Bissonnette, Louis-Robert Bouchard, aujourd’hui technicien en travaux d’enseignement et de recherche à la Faculté des lettres, a créé un programme informatique unique. «Il a rendu le lieu d’expérimentation le plus crédible possible, donnant l’impression d’être dans une salle de concert», précise-t-elle. De son côté, l’étudiante a défini le programme virtuel de simulation, en plus d’effectuer le tournage et de rédiger les petits rôles pour les figurants bénévoles.
L’installation donnait l’illusion d’être dans la salle Henri-Gagnon du pavillon Louis-Jacques-Casault. Devant le musicien, trois grands écrans de trois mètres sur trois mètres formaient un arc de cercle. Un quatrième écran était placé derrière lui. Des environnements virtuels étaient projetés sur ces écrans. Des rideaux de scène noirs, un projecteur de scène qui éclairait le musicien pendant qu’il jouait et quatre haut-parleurs complétaient l’installation.
La situation virtuelle imaginée par Josiane Bissonnette pouvait commencer par l’entrée des spectateurs dans la salle. Des applaudissements, faibles ou soutenus, éclataient lorsque le musicien faisait son entrée sur la scène virtuelle. «Lors de la prestation, souligne-t-elle, l’auditoire pouvait écouter de manière attentive ou être agité, selon ce que j’avais planifié à la base. Un peu plus tard, un spectateur pouvait se mettre à parler à son voisin, déballer un bonbon, sortir de la salle, et cetera. Ensuite, le public pouvait redevenir attentif ou rester agité. Finalement, la pièce se terminait sous les applaudissements du public, qui pouvaient être faibles, soutenus ou sous forme d’ovation debout.»
Dix-sept étudiants ont participé à l’étude. Ils étaient inscrits à un programme de piano ou de guitare à la Faculté de musique, au Conservatoire de musique de Québec ou au Cégep de Sainte-Foy. Les 10 hommes et 7 femmes étaient âgés en moyenne de 21 ans. On les a assignés soit à un groupe de contrôle, soit à un groupe expérimental d’entraînement virtuel. Tous ont interprété une pièce musicale de mémoire lors de deux récitals donnés à trois semaines d’intervalle. Le groupe expérimental s’est de plus soumis à un entraînement virtuel de six rencontres d’une heure sur une période de trois semaines.
«Au terme de l’exercice, les participants anxieux du groupe expérimental affichaient une réduction de 35,4% du niveau d’anxiété ainsi qu’une augmentation de 3% de la qualité de la performance, indique Josiane Bissonnette. Nous avons également observé une réduction de 18% du niveau d’anxiété pour les femmes du groupe expérimental.» Dans plusieurs cas, la prestation s’est trouvée améliorée. Les instrumentistes avaient moins de problèmes de mémoire, un jeu plus expressif, un meilleur contrôle technique. Selon la doctorante, l’entraînement virtuel permet aux musiciens d’avoir des rétroactions sur leur habileté à performer lors d’une pièce à un moment x. «En plus, il leur indique certains passages moins solides de leur pièce.»