Il y a beaucoup de fébrilité en ce moment dans le laboratoire de Denis Leclerc, professeur à la Faculté de médecine et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval. Lui et sa petite équipe, ils sont cinq en tout, sont à pied d’œuvre afin de mettre au point un vaccin qui pourra agir non seulement contre le virus responsable de la COVID-19, mais contre plusieurs types d’infections apparentées. Leur approche: un vaccin formé de deux composantes dont l’une s’appuie sur le pouvoir inusité d’un virus qui affecte la papaye.
Une technologie éprouvée
«On s’en va vers la vaccination du futur», lance Denis Leclerc. Le chercheur a reçu plus de plus de 700 000$ des Instituts de recherche en santé du Canada pour concevoir son projet de vaccin, dont le premier élément consiste en une technologie qu'il a perfectionnée avec son équipe. Depuis quelques années, ils utilisent un virus végétal, le virus de la mosaïque de la papaye (papMV), pour créer des vaccins humains en version améliorée. Comment? «Les protéines du virus de la papMV sont inoffensives pour nous, mais notre système les identifie tout de même comme étant étrangères. Cette alarme provoque une réaction immunitaire innée et très forte pour nous protéger», explique le professeur Leclerc.
En plus d’être rapide et puissante, cette protection immunitaire à l’avantage de se faire à deux niveaux, ajoute-t-il. «D’une part, elle déclenche la production d’anticorps. D’autre part, elle stimule la réponse cellulaire, c’est-à-dire la production de cellules spécialisées qui reconnaissent les cellules infectées et cherchent à les détruire.»
Le professeur Leclerc et son équipe tirent profit des pouvoirs immunitaires surprenants du papMV pour mettre au point des vaccins plus performants.
Grâce à la technologie des nanoparticules, les chercheurs ont stabilisé une partie des protéines du papMV pour en faire un genre de «véhicule» ou de plateforme qui sert à aller livrer les vaccins dans l’organisme. Ils ont notamment testé cette approche contre la souche H1N1 de la grippe saisonnière.
Protéger contre toutes les souches du virus
Quel est le lien avec la COVID-19? «Nous voulons combiner notre plateforme du papMV à un antigène du virus de la COVID-19 pour créer un vaccin très efficace et très sécuritaire», précise Denis Leclerc. Il s’agit en quelque sorte de leurrer le corps. Lorsqu’il sera mis en contact avec des morceaux du virus qui cause la COVID-19, il aura la même réponse immunitaire très performante qu’en présence du papMV.
Détail important, les antigènes utilisés par les chercheurs pour fabriquer la deuxième composante de leur vaccin candidat ne proviendront pas de patients atteints du coronavirus. Ils seront plutôt produits in vitro. «J’ai étudié la structure du virus SARS-CoV-2 à l’origine de la COVID-19 et j’ai choisi d’en sélectionner les parties les plus susceptibles de correspondre à des infections d’espèces apparentées, indique Denis Leclerc. Grâce à cette stratégie, nous pourrons développer un vaccin qui protège non seulement contre le virus responsable de la pandémie actuelle, mais de manière élargie contre des souches de ce virus qui auraient subi des mutations.»
Si tout va bien, leur modèle pourra faire l’objet d’études précliniques d’ici l’automne. «Les quatre chercheuses avec qui je travaille sont très motivées et nous y mettons toute l’énergie possible», assure Denis Leclerc, tout en évoquant une réalité à ne pas négliger dans les laboratoires de recherche. «Mes collègues ont aussi des familles, des enfants. Comme le reste de la population, elles doivent composer avec les circonstances particulières que nous connaissons tous en raison de la pandémie, ce qui peut provoquer son lot de fatigue et d’anxiété. Or, j’y tiens à mon équipe.»