En théorie, séparer les jumeaux à l’école primaire afin de favoriser l’épanouissement personnel de chaque enfant est une idée qui semble empreinte de sagesse. En pratique toutefois, les jumeaux qui font leur primaire dans les mêmes classes n’ont rien à envier sur le plan des comportements sociaux et émotifs aux jumeaux qui font leur primaire dans des classes différentes. C’est ce que rapporte une équipe de chercheurs québécois dans une étude qui vient de paraître dans la revue Educational Policy.
Gabrielle Garon-Carrier, de l’Université de Sherbrooke, Vincent Bégin, Frank Vitaro et Isabelle Ouellet-Morin, de l’Université de Montréal, Mara Brendgen, de l’UQAM, et Ginette Dionne et Michel Boivin, de l’Université Laval, ont suivi 560 paires de jumeaux entre l'âge de 5 et 12 ans. Près de 70% d'entre eux ont fait leur scolarité de niveau primaire dans des classes séparées.
À l’aide des réponses fournies par les parents, par les enseignants et par les enfants eux-mêmes lorsqu’ils ont été en âge de répondre, les chercheurs ont documenté la trajectoire des comportements prosociaux, des comportements agressifs, du retrait social, d’anxiété et de problèmes d’attention chez ces enfants pendant leur parcours à l'école primaire.
Leur constat? Placer les jumeaux dans la même classe n’a pas d'effet négatif sur les paramètres étudiés. Au contraire, les chercheurs ont même observé un niveau légèrement moins élevé de comportements sociaux négatifs (retrait social, agressivité physique, inattention) chez les jumeaux qui n’avaient pas été séparés. Par ailleurs, les jumeaux placés dans des classes distinctes ne sont pas plus anxieux et la qualité de leur relation avec le cojumeau de même que leur niveau de prosociabilité n'en souffrent pas.
Une enquête menée en 2015 aux États-Unis a montré que 71% des directeurs d’écoles primaires croyaient qu’il était préférable de placer les jumeaux dans des classes distinctes. Les politiques des établissements d’enseignement qui préconisent la séparation des jumeaux reposent sur l’idée qu’en agissant ainsi, on encourage le développement personnel, l’identité et le cheminement scolaire de chaque enfant, tout en réduisant la compétition entre jumeaux ainsi que le risque de relations conflictuelles.
Dans une étude publiée en 2018, Gabrielle Garon-Carrier, alors doctorante à l'Université Laval, et ses collaborateurs avaient démontré que séparer les jumeaux à l’école avait un effet neutre sur la réussite scolaire. Cette fois, leurs travaux montrent que sur le plan social et émotionnel, séparer ou non les jumeaux à l'école a peu de répercussions.
«Il n'y a pas d'appui empirique aux politiques institutionnelles qui d'emblée préconisent une séparation des jumeaux, conclut la professeure Garon-Carrier. Il est préférable que les directions scolaires adoptent une politique flexible qui respecte la décision et les besoins individuels des parents et des jumeaux.»