Au Québec, 31% des infirmières affichent un certain degré d'hésitation face au vaccin contre la COVID. Ce taux est plus élevé que chez les professionnels de la santé chargés de la vaccination en Belgique (24%) ou en France (25%), révèle une étude internationale qui vient de paraître dans la revue Eurosurveillance. «Ces résultats m'ont un peu surprise étant donné que les mouvements antivaccinaux sont plus répandus dans ces deux pays qu'au Québec», commente l'une des auteurs de l'étude, Eve Dubé, du Département d'anthropologie, de l'Institut national de santé publique et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
Ces constats se dégagent d'une enquête en ligne menée en octobre et novembre 2020 auprès de travailleurs de la santé chargés de la vaccination dans chaque pays. En France et en Belgique, ce sont quelque 1600 médecins de famille qui ont participé à l'étude. Au Québec, 1055 infirmières ont répondu aux questions des chercheurs. Au moment de l'enquête, plusieurs vaccins contre la COVID étaient en cours d’élaboration, mais aucun n'était encore sur le marché.
L'analyse des réponses fournies par les répondantes du Québec montre que:
20% ne recommanderaient pas ou ne savent pas si elles recommanderaient le vaccin contre la COVID à leurs patients
30% ne se feraient pas vacciner ou ne savent pas si elles se feraient vacciner contre la COVID
39% craignent qu'un vaccin conçu rapidement en temps de pandémie ne soit pas sécuritaire
13% sont d'accord avec l'affirmation suivante ou ne se prononcent pas sur sa véracité: l'immunité acquise en développant une maladie est préférable à la vaccination
40% n'avaient pas reçu ou n'étaient pas certaines d'avoir reçu le vaccin contre l'influenza en 2019-2020
«L'hésitation à la vaccination chez les infirmières se compare à ce que l'on retrouve dans la population en général, constate Eve Dubé. On pourrait penser que parce qu'elles ont une formation en santé, les infirmières seraient moins touchées que le citoyen moyen par le phénomène. Mais, à moins qu'elles se spécialisent en immunologie, elles reçoivent une formation de nature généraliste qui fait peu de place à l'étude des vaccins.»
Chez les infirmières, la principale cause de cette hésitation est la vitesse à laquelle le vaccin contre la COVID a été élaboré. «Tous les nouveaux vaccins sont accueillis avec une certaine méfiance et le contexte d'urgence dans lequel le vaccin contre la COVID a été mis au point amplifie l'hésitation à la vaccination, analyse Eve Dubé. Ce phénomène devrait s'atténuer lorsque l'on va constater que des millions de personnes ont reçu le vaccin et que très peu d'effets secondaires sont observés.»
D'ici là, deux questions se posent. La première: les infirmières qui participeront aux campagnes de vaccination doivent-elles être vaccinées? «En principe, il est souhaitable qu'elles le soient, estime Eve Dubé. On ne veut surtout pas que les cliniques de vaccination deviennent des lieux de propagation de la maladie.»
La seconde: doit-on rendre la vaccination obligatoire pour les vaccinateurs? «Il ne faut pas présumer que les travailleurs de la santé n'ont pas d'appréhensions ou de craintes légitimes par rapport au vaccin, répond la chercheuse. Je suis persuadée que si on prend le temps de bien les informer et de répondre à leurs questions, ils vont comprendre l'importance de la vaccination et il ne sera pas nécessaire de les obliger à se faire vacciner.»