Les millions de tonnes de feuilles d’érable qui joncheront bientôt le sol des forêts et des espaces verts du Québec pourraient-elles apporter une solution verte aux problèmes des producteurs de laitue aux prises avec des bactéries qui causent des dommages à leurs productions? En théorie oui, révèle une étude que le doctorant Maxime Delisle-Houde, et le professeur Russell Tweddell, du Département de phytologie, viennent de publier dans le Canadian Journal of Plant Science.
Les deux chercheurs sont allés à la pêche aux molécules antimicrobiennes en lançant leur filet du côté de la biomasse forestière. Ils ont utilisé des extraits produits à partir de feuilles, d’écorces et de branches de 12 espèces d’arbres qui croissent au Québec pour en tester l’efficacité contre deux bactéries qui s’attaquent à certaines productions horticoles, notamment la laitue.
L’une de ces bactéries, Xanthomonas campestris, cause la tache bactérienne de la laitue, et l’autre, Pseudomonas cichorii, cause la maladie des taches et des nervures noires. «Au Canada, les producteurs disposent d’un seul produit, le Confine Extra, pour lutter contre X. campestris, et aucun produit n’est homologué contre P. cichorii, signale Russell Tweddell. Les pratiques culturales utilisées pour contrôler ces bactéries ont une efficacité limitée lorsqu’il y a une infestation.»
Parmi les 26 extraits testés, ceux faits à partir de feuilles vertes d’érable à sucre ou de feuilles d’érable à sucre récoltées au sol à l’automne se sont révélés les plus efficaces pour inhiber la croissance in vitro des deux bactéries pathogènes. «Comme notre idée était de valoriser la biomasse forestière, nous avons poursuivi nos tests en utilisant exclusivement les feuilles récoltées au sol», précise le professeur Tweddell.
Les tests menés sur des laitues romaines et des laitues pommées qui avaient préalablement été inoculées avec l’une ou l’autre des bactéries ont montré que l’efficacité de l’extrait de feuilles d’érable récoltées au sol à l’automne est comparable à celle du Confine Extra. De plus, cet extrait ne cause pas de symptômes de toxicité, des taches par exemple, qui pourraient nuire à la commercialisation des laitues.
Les chercheurs tenteront maintenant de déterminer si cet extrait est efficace pour protéger d’autres cultures attaquées par les deux bactéries, par exemple le céleri, les endives et les plantes de la famille du chou. «Nous voulons aussi vérifier si cet extrait est efficace contre d’autres espèces bactériennes qui causent des dommages aux cultures. Enfin, nous allons aussi tenter d’isoler la ou les molécules antimicrobiennes contenues dans les feuilles d’érable, souligne le professeur Tweddell. Si les résultats sont concluants, il s’agirait d’une façon intéressante d’utiliser une biomasse très abondante qui est peu valorisée pour le moment.»