À l’échelle mondiale, l’élimination du cancer du col de l’utérus comme problème de santé publique pourrait être un fait accompli d’ici un siècle. Voilà ce que démontrent deux études publiées aujourd’hui dans la revue britannique The Lancet par un consortium international dont fait partie l’équipe du professeur Marc Brisson, de l’Université Laval et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval. Au Québec, au Canada et aux États-Unis, la quasi-disparition de cette maladie pourrait même être chose faite dès 2040, estiment les chercheurs.
Le consortium dont fait partie l'équipe de l'Université Laval a été mandaté par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour créer des modèles servant à prédire l’évolution du nombre de cas de cancer du col de l’utérus et du nombre de décès causés par cette maladie en fonction de divers scénarios de vaccination et de dépistage. Pour les besoins de leur étude, les chercheurs ont utilisé les paramètres définis dans le projet de stratégie de lutte contre cette maladie adopté par l’OMS en mai 2018.
Ce plan prévoit qu'à partir de 2030, 90% des jeunes filles seront vaccinées contre le virus du papillome humain (VPH), un microorganisme impliqué dans la presque totalité des cancers du col de l’utérus. Il prévoit aussi que 70% des femmes seront soumises à un ou deux tests de dépistage du cancer du col de l'utérus au cours de leur vie et que 90% des femmes atteintes de lésions précancéreuses ou d’un cancer du col de l’utérus auront accès à des traitements adéquats.
À l'aide de leur modèle, les chercheurs ont réalisé des simulations pour 78 pays où le revenu se situe sous la moyenne mondiale. «C'est dans ces pays que le cancer du col de l'utérus est le plus fréquent et qu'il fait le plus de victimes, précise Marc Brisson. C'est donc là que les interventions prévues par l'OMS mettront le plus de temps à produire leurs effets. L'élimination de la maladie se produira plus rapidement dans les pays plus riches.»
Les analyses des chercheurs montrent qu'en misant uniquement sur la vaccination, l'incidence du cancer du col de l'utérus diminuera de 89% d'ici un siècle dans ces 78 pays. Ce gain permettrait de prévenir 60 millions de cas de cancer.
Si, en plus de la vaccination, on ajoute les deux tests de dépistage et le traitement des lésions précancéreuses, l'incidence du cancer diminuera de 97% d'ici un siècle. On préviendrait ainsi 72 millions de cas de cancer.
Enfin, en combinant le traitement des cancers aux deux premières interventions, on produirait un gain rapide au chapitre de la baisse de mortalité chez les femmes de 30 à 69 ans. Elle serait de l'ordre de 34% en 2030, de 62% en 2070 et de 99% en 2120.
«La vaccination et les tests de dépistage sont des mesures de prévention et elles mettent plus de temps que les traitements à faire sentir leurs effets sur la réduction de la mortalité, souligne le professeur Brisson. Comme l'objectif de l'OMS est d'éliminer le cancer du col de l'utérus et de réduire la mortalité qu'il cause, le plan d'action doit combiner des approches préventives et curatives.»
L'OMS en mode action
Ces travaux ont servi à établir la stratégie d'élimination du cancer du col de l'utérus de l'OMS qui sera soumise à l'Assemblée mondiale de la santé lors de sa réunion de mai prochain. «Si la stratégie est adoptée et appliquée par les États membres, le cancer du col de l'utérus pourrait être éliminé dans plusieurs pays à partir de 2040 et sur toute la planète d'ici un siècle. C’est une victoire exceptionnelle pour la santé des femmes que l'on doit en bonne partie à la mise au point du vaccin contre le VPH, précise Marc Brisson. Toutefois, pour atteindre cet objectif, il faudra un engagement international considérable, tant sur le plan politique que financier.»
Les signataires des études parues dans The Lancet sont associés à l’Université Harvard, à l’Université de Sydney, à l'OMS et à l’Université Laval. L'équipe de l'Université Laval était formée de Marc Brisson, Mélanie Drolet, David Martin, Élodie Bénard, Guillaume Gingras, Jean-François Laprise, Marie-Claude Boily et Michel Alary.