
Richard Bélanger, de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation, et Roger Levesque, de la Faculté de médecine
Les microorganismes pathogènes présents dans les eaux usées fournissent en temps réel un portrait de certaines maladies qui sévissent dans une communauté. Le professeur Roger Levesque, de la Faculté de médecine de l'Université Laval, Lawrence Goodridge, de l'Université de Guelph, et Chrystal Landgraff, de l'Agence de la santé publique du Canada, entendent profiter de ce filon pour suivre à la trace l'évolution de microbes infectieux d'origine alimentaire, comme la salmonelle, qui causent des gastroentérites. Les trois chercheurs viennent de recevoir un appui de 6,5 M de Génome Québec, Ontario Genomics et Génome Canada pour mener leur projet à terme.
«Au Canada, la consommation d'aliments contaminés entraîne annuellement 4 millions de cas d'infections d'origine alimentaire, plus de 14 000 hospitalisations et au-delà de 300 décès, signale le professeur Levesque. Les coûts qui y sont associés sont estimés à 4 milliards de dollars. Une partie du problème vient du fait que les méthodes de surveillance de ces maladies reposent sur la détection des personnes malades qui demandent des soins.»
Les trois chercheurs croient qu'il y a moyen de faire mieux. Ils vont créer une approche intégrée pour détecter les éclosions d'infections d'origine alimentaire dans des communautés. Cette approche mise, d'une part, sur la détection génomique des pathogènes alimentaires présents dans les eaux usées, et d'autre part, sur le repérage, dans les médias sociaux, de mots-clés associés aux maladies entériques.
— Roger Levesque
«Notre partenaire Advanced Symbolics utilise l'intelligence artificielle pour analyser le contenu des discussions sur les réseaux sociaux, explique le professeur Levesque. Une augmentation de certains mots-clés liés à ces maladies sera un signal qu'il se passe quelque chose. On pourra faire des recoupements avec les analyses d'eaux usées provenant de certains quartiers et trouver l'épicerie ou le restaurant où se trouvent les aliments à la source de la contamination. Il faut normalement deux à trois semaines pour faire ce travail. Nous pensons y arriver en moins d'une semaine.»
«L'un des avantages de cette approche est qu'il est possible de l'adapter pour la détection rapide d'autres agents pathogènes, ajoute le professeur Levesque. Nous avons déjà commencé à l'utiliser pour surveiller les niveaux de SRAS-Cov-2 dans les eaux usées de la ville de Québec. Il s'agit d'un indicateur prometteur pour suivre en direct la prévalence de la COVID-19 dans une population.»
Un outil contre un agent pathogène du soya
Par ailleurs, le professeur Richard Bélanger, de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation, a obtenu un montant de 3,26M$ pour élaborer et valider un outil moléculaire de détection du profil de virulence de Phytophthora sojae, un agent pathogène du soya.
Pratiquement inexistante au Québec il y a 30 ans, la culture du soya a rapidement gagné en popularité. Au cours de la dernière décennie, la superficie consacrée à cette légumineuse a augmenté de 130% chez nous. Au Canada, le soya est maintenant la troisième culture en importance. Cette culture est toutefois vulnérable à un oomycète qui cause la pourriture phytophthoréenne. Cette maladie provoque des pertes annuelles de revenus qui dépassent 50 M$ au Canada.
— Richard Bélanger
«La méthode de lutte la plus efficace contre cet agent pathogène repose sur l'utilisation de cultivars de soya possédant des gènes de résistance spécifiques aux pathotypes de P. sojae présents dans les champs, rappelle le professeur Bélanger. Nous allons développer un outil qui permettra aux producteurs de choisir des lignées qui possèdent les gènes de résistance bien adaptés à leurs besoins. Cet outil pourra aussi servir aux sélectionneurs pour les aider à développer des semences dotées de gènes de résistance pour les différents pathotypes de soya.»
Cette approche de génomique ciblée devrait réduire le recours aux fongicides dans la régie des maladies du soya. Elle pourrait engendrer des économies annuelles de l'ordre de 20M$ pour les producteurs.