Rappelons que la mauvaise haleine – l'halitose pour les scientifiques – est causée par des bactéries de la bouche qui produisent des composés volatils sulfurés. «Parmi les quelque 500 espèces de bactéries qui vivent dans la cavité buccale, on en dénombre une dizaine qui sont abondantes et qui produisent ces composés sulfurés. L'une d'elles, S. moorei, se retrouve chez toutes les personnes souffrant d'halitose et elle est absente chez celles qui n'ont pas ce problème», signale le responsable de l'étude, Daniel Grenier.
S. moorei et ses semblables se terrent dans la forêt de papilles de la langue et dans les tissus buccaux affectés par les maladies parodontales. «Une fois que ces bactéries sont installées dans la bouche, il est presque impossible de s'en débarrasser, précise le chercheur. Le mieux qu'on peut faire est d'en diminuer l'abondance en se brossant vigoureusement la langue et en utilisant un rince-bouche qui tue les bactéries. L'effet est toutefois temporaire et il faut répéter l'opération plusieurs fois par jour pour contrer efficacement la mauvaise haleine.»
Dans l'espoir de trouver des solutions plus durables, l'équipe de Daniel Grenier a étudié comment S. moorei réagissait lorsqu'elle était exposée aux huiles essentielles de dix plantes: le sapin, la coriandre, le thé du Labrador, la menthe poivrée, la sauge, la sarriette, la myrrhe, la marjolaine, le thym et la cannelle. Résultat? La cannelle a nettement surclassé tous ses rivaux. «L'huile essentielle de cannelle parvient à inhiber la croissance de S. moorei à des concentrations 4 fois moins élevées que les autres huiles. De plus, elle commence à tuer ces bactéries, même lorsqu'elles forment un biofilm, à des concentrations 2 fois plus faibles que les autres produits, sans avoir d'effet toxique sur les cellules de l'épithélium buccal. Nos analyses montrent que l'huile essentielle de cannelle est également active contre les autres bactéries productrices de composés volatils sulfurés», résume le professeur Grenier.
Selon le chercheur, on pourrait envisager l'ajout d'huile essentielle de cannelle à des produits d'hygiène buccale comme les rince-bouche. «Certains rince-bouche sur le marché contiennent des huiles essentielles de menthe et de thym. Nos résultats suggèrent que la cannelle pourrait être plus efficace, mais il faudrait réaliser des études cliniques pour le démontrer. Il faudrait aussi tester l'acceptabilité d'un rince-bouche à la cannelle par les consommateurs.» Le chercheur envisage également l'addition d'huile de cannelle à la gomme à mâcher. «Comme les ingrédients actifs seraient libérés sur une plus longue période, on pourrait obtenir une protection plus durable contre la mauvaise haleine.»
Il existe déjà des gommes, des pastilles et des bonbons à la cannelle sur le marché, mais il s'agit, dans la plupart des cas, de saveurs artificielles ajoutées aux produits. «Ces molécules sont bien différentes de celles retrouvées dans l'huile de cannelle, signale le professeur Grenier. Elles peuvent masquer temporairement la mauvaise haleine, mais elles ne s'attaquent pas aux bactéries qui en sont responsables.»
L'article publié dans Archives of Oral Biology est signé par Geneviève LeBel, Bruno Haas, Andrée-Ann Adam, Marie-Pier Veilleux, Amel Ben Lagha et Daniel Grenier.