Environ 5% des femmes enceintes souffrent d'une forme d'hypertension de grossesse appelée prééclampsie. Ce problème se manifeste par une hausse importante de la tension artérielle qui apparaît après la 20e semaine de grossesse, mais qui s'enclenche de façon silencieuse pendant le premier trimestre. Si elle n'est pas traitée, cette condition peut conduire à des convulsions qui menacent la santé de l'enfant et de la mère. La prééclampsie augmente le risque de prématurité et elle entraîne chaque année la mort d'environ 76 000 femmes et 500 000 enfants dans le monde, principalement dans les pays en voie de développement.
Par ailleurs, pendant la grossesse, entre 2 et 10% des femmes prennent des antidépresseurs et environ 5% prennent des anxiolytiques pour traiter des troubles de l'humeur. Comme certaines études portent à penser que ces médicaments pourraient augmenter le risque d'hypertension pendant la grossesse, les chercheurs de l'Université Laval ont examiné les liens entre la prise de ces produits et la prééclampsie dans une cohorte de 6761 femmes enceintes.
Leurs données montrent qu'environ 3% des participantes ont fait de l'hypertension de grossesse et près de 2% ont reçu un diagnostic de prééclampsie. Le risque de souffrir de l'une ou l'autre de ces conditions est 3,1 fois plus élevé chez les femmes qui ont pris des antidépresseurs ou des anxiolytiques pendant les 16 premières semaines de grossesse que chez celles qui n'en ont pas pris. Ce risque grimpe à 3,4 fois chez les femmes qui ont continué de prendre une médication après la 16e semaine. Par contre, il diminue à 1,6 fois chez celles qui ont arrêté le traitement.
«Notre étude suggère que l'on peut renverser partiellement le risque de prééclampsie en arrêtant la prise d'antidépresseurs ou d'anxiolytiques avant la 16e semaine de grossesse», constate le professeur Yves Giguère, qui a cosupervisé l'étude avec le professeur Jean-Claude Forest. «Il faudrait évidemment assurer un suivi serré de la santé psychologique des femmes qui choisissent d'arrêter leur médication et qui optent pour des thérapies alternatives, précise-t-il. La situation est plus délicate pour les femmes chez qui l'arrêt de la médication n'est pas envisageable. Les travaux antérieurs menés par l'équipe du professeur Emmanuel Bujold suggèrent toutefois que la prise quotidienne d'aspirine dès le début de la grossesse pourrait réduire considérablement le risque de prééclampsie, en particulier chez les femmes qui ont un indice de masse corporelle élevé.»
Les auteurs de l'étude parue dans BMC Pregnancy and Childbirth sont Nathalie Bernard, Jean-Claude Forest, Emmanuel Bujold, Damien Bouvier et Yves Giguère, de la Faculté de médecine, et George Tarabulsy, de l'École de psychologie.