C'est ce qu'a voulu savoir une équipe de chercheurs du Québec, de Norvège et d'Écosse, qui a comparé la longévité des femelles de quatre espèces d'ongulés en fonction du nombre de petits mâles qu'elles avaient portés et élevés au cours de leur vie. Ces chercheurs, dont Steeve Côté du Département de biologie et du Centre d'études nordiques, ont mis en commun des données obtenues dans le cadre d'études à long terme menées sur des populations sauvages de mouton de Soay, de mouflon d'Amérique, de chèvre de montagne et de cerf élaphe, aussi appelé cerf rouge. «Chez les trois dernières espèces, des études antérieures avaient démontré que le fait d'avoir un petit de sexe masculin réduisait la performance reproductrice de la mère l'année suivante, ce qui suggère l'existence d'un coût reproducteur plus élevé pour les petits mâles», commente le professeur Côté.
Les analyses des chercheurs, qui ont porté sur 1 312 femelles et leurs quelque 6 700 rejetons, indiquent que la longévité des mères n'est pas affectée par le nombre de petits mâles qu'elles produisent pendant leur existence. De plus, les résultats présentés dans la revue Proceedings of the Royal Society B révèlent que, pour un nombre donné de rejetons, la plupart des femelles qui ont eu plusieurs petits de sexe masculin vivent plus longtemps que celles qui ont plus de filles. «Cela s'expliquerait, chez la chèvre de montagne du moins, par le fait que seules les femelles qui sont en très bonne condition produisent des mâles à répétition», précise Steeve Côté.
Ces conclusions contrastent avec celles d'une étude publiée dans Science en 2002 qui portait sur les Samis vivant en Finlande entre le 17e et le 19e siècles. Dans cette société préindustrielle, chaque naissance d'enfant de sexe masculin raccourcissait d'environ huit mois la vie de la mère alors que chaque naissance d'une fille la prolongeait de cinq mois. Ces conclusions n'ont pas été validées par les autres études qui ont exploré la question chez d'autres sociétés humaines. «Les conclusions de l'étude de 2002 sont peut-être l'exception plutôt que la règle. Chose certaine, notre étude ne démontre pas que le fait d'avoir de nombreux petits de sexe masculin affecte la longévité de la mère», conclut le professeur Côté.
Les autres auteurs de l'étude sont Mathieu Douhard, Marco Fiesta-Bianchet et Fanie Pelletier, de l'Université de Sherbrooke, Sandra Hamel, de l'Arctic University of Norway, et Daniel Hussey et Josephine Pemberton, de l'University of Edinburgh.