L'érythropoïétine (EPO), une hormone connue du public en raison de son utilisation illégale pour l'amélioration des performances sportives, pourrait-elle venir à la rescousse des personnes gravement atteintes de COVID-19? La démonstration reste à faire, mais les résultats d'une étude exploratoire montrent que de faibles taux d'EPO sont associés à un risque nettement plus élevé de décès chez les personnes infectées par le SARS-CoV-2.
C'est ce que rapporte, dans la revue Respiratory Physiology and Neurobiology, une équipe de chercheurs de Bolivie, de Colombie, du Pérou et du Québec, dirigée par Jorge Soliz, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval et chercheur au Centre de recherche de l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec.
Ces chercheurs ont mesuré le taux d'EPO chez 16 patients admis aux soins intensifs d'un hôpital d'El Alto, en Bolivie, en raison de complications attribuables à la COVID-19. Chez tous les patients, la concentration de cette hormone produite naturellement par le corps s'est révélé plus faible que la valeur normale observée à cette altitude (4150 mètres au-dessus du niveau de la mer). La moitié des patients est décédée des suites de l'infection. Dans ce groupe, la concentration d'EPO au moment de l'hospitalisation était environ 6 fois plus basse que la moyenne normale à cette altitude et 2,5 fois plus faible que celle des patients qui ont survécu à la maladie.
Les chercheurs reconnaissent que leur constat repose sur un petit nombre de cas, mais ils estiment que les résultats observés justifient qu'on pousse plus loin les travaux sur cette avenue potentielle de traitement. «L'EPO agit sur plusieurs plans, souligne Jorge Soliz. D'abord, elle augmente le nombre de globules rouges qui assurent l'oxygénation du corps. Ensuite, elle a des propriétés anti-inflammatoires et antiapoptotiques (elle prévient la mort cellulaire). Enfin, en favorisant la production d'oxyde nitrique dans les poumons sous-oxygénés, elle facilite la livraison d'oxygène au cerveau, au cœur et aux autres tissus.»
Tout cela porte à croire que l'administration d'EPO pourrait être envisagée chez des patients durement frappés par la COVID-19. «Au départ, il pourrait s'agir d'un traitement de dernier recours, précise le professeur Soliz. Si les résultats sont concluants, on pourrait mener des études cliniques rigoureuses pour évaluer les avantages et les risques de l'EPO dans le traitement de la COVID-19.»