Pour le troisième épisode de la saison 2020-2021 du concours de vulgarisation Néo, l’Association des étudiantes et des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures (AELIES) se tourne vers la biologie, plus précisément vers la rainette faux-grillon boréale, la plus petite et la plus menacée des grenouilles du Québec.
Néo met en valeur les projets de recherche et de création des étudiantes et des étudiants de façon dynamique et ludique, sous forme de capsules accessibles sur la chaîne vidéo de l’AELIES ainsi qu’en baladodiffusion.
«J’ai connu cette espèce en arrivant au Québec en 2018, explique Aurore Fayard, étudiante à la maîtrise en sciences forestières. Je me suis intéressée à l’herpétofaune que l’on pouvait retrouver dans ce coin de pays, soit les serpents, les tortues et les amphibiens. Je savais qu’il y avait moins d’espèce qu’en France d’où je viens, alors ça a été facile de les apprendre. Il s’est avéré qu’un projet de maîtrise est sorti pour travailler sur la protection de la rainette faux-grillon boréale. C’est là que j’ai décidé de répondre à l’offre, car je souhaitais participer concrètement aux actions de sauvegarde d’une espèce menacée.»
De nombreux facteurs sont à l’origine de la destruction de l’habitat de la rainette. La principale raison liée à l’activité humaine est l’étalement urbain. Par exemple, la construction d’une autoroute peut traverser une zone humide et donc détruire son écosystème. La destruction des zones humides peut également être la conséquence du changement d’utilisation des terres pour l’agriculture.
C’est dans la région de la Montérégie, près de Montréal, que l’on trouve les plus grandes populations connues de rainettes faux-grillon boréale au Québec. L’étude de terrain de l’étudiante se déroule donc sur ce territoire. Les municipalités de Boucherville et de Longueuil seront les lieux de capture de rainettes et le parc national du mont Saint-Bruno, un milieu protégé, accueillera ces grenouilles.
«On a bon espoir d’aller sur le terrain dès le mois d’avril prochain pour une première année de terrain et de capture-marquage-recapture des trois populations que l’on souhaite suivre en Montérégie, indique Aurore Fayard. Je vais me concentrer sur la capture de tous les mâles et de toutes les femelles que je croiserai pour les relâcher directement après les avoir marqués pour les reconnaître.»
La saison de reproduction de la rainette se déroule au printemps. Selon les années, la date du début de cette activité varie, car les rainettes sortent de leur torpeur hivernale lorsque les températures sont positives et que le dégel a eu lieu. «Habituellement, dit-elle, c’est aux alentours de la mi-avril que la saison de reproduction commence et ça ne dure que deux semaines. C’est explosif comme on dit, il ne faut pas être en retard pour les voir ou les étudier à ce moment. Seuls les mâles se mettent à chanter durant cette période. Ce sont de véritables chorales qui permettent d’identifier l’espèce en question. Chacune des 10 espèces de grenouilles du Québec a un chant propre, comme les oiseaux. Mais lorsqu’on s’approche de trop près de la mare, ils s’arrêtent tous de chanter. Les capturer est donc toute une question de patience.
Et le marquage? «Il consiste à injecter un transpondeur, une sorte de micropuce, dans la peau de la rainette, au niveau de sa patte arrière, face ventrale, répond Aurore Fayard. Il y en a plusieurs sortes. Ceux que j’ai sont adaptés pour la taille et le poids d’une rainette faux-grillon. Ils mesurent 8,2mm de long par 1,4mm de diamètre. Ils permettent d’attribuer un numéro unique à l’animal.»
Des clôtures de déviation et des pièges
L’été dernier, l’étudiante a installé des clôtures de déviation tout autour des étangs qui accueilleront les rainettes au mont Saint-Bruno. Ces clôtures viendront bloquer les déplacements de ces animaux. Au pied des clôtures, des pièges non dangereux ont été installés. Ces pièges consistent en des planches de bois, les rainettes aimant se cacher en dessous. Il y a aussi des trappes en entonnoir. Dans ce dernier cas, l’animal entre par un petit trou et ne trouvant pas la sortie, il reste piégé.
«Je viendrai relever ces pièges deux fois par jour, poursuit-elle. Cette méthode est très fréquemment utilisée pour attraper des amphibiens, car ce sont des animaux cryptiques, c’est-à-dire cachés, qui sont réellement difficiles à voir et à attraper sans outils.»
Pour savoir si la réintroduction a réussi dans les étangs du mont Saint-Bruno, Aurore Fayard retournera sur le site au printemps 2022 pour faire le décompte des spécimens qui auront survécu. Ce décompte se poursuivra. «Nous allons en transférer sûrement pendant plusieurs années de suite, affirme-t-elle. Il est préférable de le faire petit à petit, car cette étape est très délicate.»
Le projet de recherche d’Aurore Fayard s’inscrit dans le programme de rétablissement de la rainette faux-grillon de l’ouest du Québec lancé en 2019 par une équipe de chercheurs du ministère québécois de la Faune, de la Forêt et des Parcs. «Je suis affiliée au Ministère, souligne-t-elle, nous communiquons très régulièrement. Mon directeur de recherche, le professeur Marc Mazerolle du Département des sciences du bois et de la forêt, et moi-même devons remettre un rapport d’avancement tous les trimestres afin d’expliquer au Ministère comment le projet avance. C’est un vrai travail de collaboration et le programme continuera bien évidemment après ma maîtrise.»
La Société des établissements de plein air du Québec et le Biodôme de Montréal sont également associés au projet de recherche de l’étudiante. Dans le cas du Biodôme, une partie des rainettes capturées ce printemps, environ 13 mâles et 8 femelles, seront dirigées à cet endroit pour une expérience de reproduction conduite par l’Université d’Ottawa.