Les soldats sont-ils plus exposés au stress post-traumatique que d’autres corps d’emploi, comme les policiers ou les pompiers, qui vivent eux aussi des incidents traumatisants?
Dans toutes les professions qui valorisent l’image de l’homme fort et minimisent les difficultés de santé mentale vues comme faibles et vulnérables, on augmente le risque d’avoir des symptômes de stress post-traumatique plus sévères. Les militaires ont une culture particulière: celle de gens en contrôle, qui ne se montrent pas vulnérables. Cela fait partie de leur travail. En plus, contrairement à une blessure physique, la blessure de stress opérationnel, liée à la santé mentale, est plus difficile à accepter. Ceux et celles qui en souffrent l’associent à des sentiments de culpabilité, de honte, et cherchent à la cacher. Or, dans la population militaire, les difficultés de santé mentale sont encore liées au rejet et à la honte. Par conséquent, même si certains traitements fonctionnent pour aider les personnes à surmonter leurs difficultés, encore faut-il que celles-ci les réclament. Le défi, c’est d’amener les instances militaires à prendre conscience des effets de ces blessures et d’accepter l’aide.
Comment leur venir en aide dans ces conditions?
C’est plus acceptable quand les traitements sont donnés dans des milieux militaires ou d’anciens combattants. D’autant plus si des pairs, d’anciens militaires par exemple, prennent en charge ces traitements. Une des difficultés à laquelle se heurtent les thérapeutes cependant, c’est la grande discipline qui fait partie de la formation des soldats. On entraîne ces gens-là à être prêts à réagir à n’importe quoi, à ne pas être vulnérables, à affronter des situations épouvantables. Imaginez un chêne et un roseau sous la tempête. L’arbre, très fort, a plus de chance de se briser que le roseau, qui va plier mais reprendre sa forme une fois la tempête passée. Les militaires, par leur solidité, ressemblent beaucoup au chêne, ils sont donc plus à risque de craquer en état de stress traumatique. Le traitement doit aborder les façons de penser plus rigides qui les ont aidés dans leur carrière, mais qui nuisent maintenant à leur rétablissement. En thérapie, il faut expliquer qu’on a le droit de pleurer même si on est un homme, que cela ne constitue pas une marque de faiblesse. Les cliniciens montrent donc à leurs patients l’importance de ne pas réprimer les émotions qui aident à comprendre l’état dans lequel ils se trouvent, pour pouvoir ensuite reprendre le cours de leur vie.
Existe-t-il des moyens de prévenir l’état de stress post-traumatique?
L’armée entraîne ses militaires à se préparer aux situations d’urgence qui peuvent déboucher sur ce type de blessures psychologiques. Même si vivre ce genre de situation très stressante n’a rien de facile, et qu’il est impossible d’imaginer certaines horreurs, il existe des formations pour aider la personne à se préparer à certains événements très traumatiques. Comment? Par exemple, en partant plusieurs semaines en entraînement dans le bois. Peu de sommeil et beaucoup d’activité physique conditionnent les soldats mentalement et physiquement aux conditions de stress qu’ils risquent de vivre lorsqu’ils sont en mission. Cela ne veut pas dire pour autant qu’ils peuvent vraiment se préparer aux choses horribles qu’ils vont voir dans un pays en guerre. Au retour, l’armée s’occupe beaucoup plus de la santé mentale des militaires, surtout depuis que le général Roméo Dallaire a fait sa sortie publique à propos du stress post-traumatique. Il existe maintenant un réseau de cliniques vouées aux troubles de stress opérationnel chez les anciens combattants. Il reste cependant encore beaucoup de chemin à faire.