Chaque semaine depuis le début de l'été, Jacob Michaud-Pelletier s’installe devant son ordinateur pour donner des cours de musique à des jeunes. Pour certains, ce sont des percussions. Pour d’autres, c’est la guitare, le mélodica, le gazou ou la flûte à coulisse.
Pour cet étudiant au baccalauréat en enseignement de la musique, ces rencontres virtuelles sont une façon de transmettre sa passion. «Clairement, des liens s’installent entre les participants et moi. Il y aura un deuil à faire à la fin du projet. Pour les jeunes, ce projet fait une énorme différence. Au fil des semaines, ils sont très enthousiastes à l’idée de participer aux séances musicales.»
En tout, 25 jeunes de 8 à 19 ans sont inscrits au Camp musical extra-ordinaire. Ils ont en commun de présenter une déficience intellectuelle ou physique ou un trouble d’apprentissage. Les séances, qui durent de 20 à 40 minutes environ, ont lieu de juin à la fin août. Le tout est gratuit, incluant les instruments qui sont prêtés pour la durée du projet.
Le Camp musical extra-ordinaire est piloté par le professeur Jean-Philippe Després, de la Faculté de musique, et deux autres cochercheuses, Francine Julien-Gauthier, du Département des fondements et pratiques en éducation, et Colette Jourdan-Ionescu, du Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières, en collaboration avec l’Association pour l’intégration sociale de la région de Québec. Outre Jacob Michaud-Pelletier, trois étudiantes de la Faculté de musique animent les séances: Claudia Caron, Virginie Nicole et Flavie Bédard Bruyère.
«Chaque cours est adapté selon l’âge de l’enfant, ses capacités, ses intérêts et ses buts musicaux, explique le professeur Després. Les séances sont filmées, ce qui nous permettra de mesurer les effets de sa participation sur son développement musical, mais aussi son développement moteur, ses aptitudes de communication et ses habiletés sociales. Nous pourrons voir comment il évolue au fil de l’été dans toutes les formes de son développement.»
Lui-même papa d’un garçon vivant avec la trisomie 21, Jean-Philippe Després est bien placé pour connaître la pertinence d’offrir de telles activités musicales. «En bas âge, les enfants ayant une déficience intellectuelle ont accès à plusieurs services adaptés, comme l’ergothérapie ou l’orthophonie. Une fois qu’ils sont à l’école, ils sont laissés aux bons soins du système scolaire, ce qui fait qu’ils ont moins d’interactions durant l’été. De plus, cette population a peu d’occasions de participer à des activités de création musicale basées sur ses propres intérêts. Le projet vise à donner une voix et un levier à tous les acteurs impliqués, que ce soit les jeunes, les parents, les étudiants, les chercheurs ou les organismes partenaires.»
Les cours, au départ, devaient se donner en présentiel dans des camps de jour. Avec la crise sanitaire, les chercheurs ont dû revoir leur formule et se tourner vers Internet. «Lorsqu’on donne un cours en ligne, il y a beaucoup de données inconnues, constate Claudia Caron. Est-ce que la connexion va "planter" chez moi ou chez le participant? Est-ce que mon ordi va démarrer soudainement une mise à jour? Est-ce que le participant sera chez lui ou au chalet, sans ses instruments? Pour les jeunes, l’adaptation aux changements ou aux imprévus n’est pas toujours facile. De plus, je pense que le lien de confiance avec les animateurs est plus long à tisser par l’intermédiaire de la vidéoconférence.»
Il n’empêche que le numérique offre plusieurs avantages, selon l’étudiante. «J’ai l’impression que pour certains participants, le fait de me voir sur leur ordinateur plutôt qu’en personne les gêne moins et qu’ils se permettent de se dépasser un peu plus que si j’étais dans la pièce avec eux. Pour ma part, je suis plus portée à faire des folies, à me costumer et à me donner en spectacle lorsque je suis derrière mon écran. Aussi, la formule du cours à distance offre de nouvelles possibilités d’activités exploitant des applications musicales. On peut partager facilement des images, des vidéos, de la musique, etc. C’est carrément un nouveau monde de possibilités à explorer.»
Chaque semaine, les étudiants et les professeurs font le point sur l’avancement des cours. «En équipe, on développe des idées et des approches auxquelles on n’aurait pas pensé nécessairement de façon individuelle. On constitue une sorte de programme pédagogique qui pourra être utilisé par la suite par d’autres intervenants, des éducateurs ou des parents», prévoit Jacob Michaud-Pelletier.
À la Faculté de musique, les projets de recherche qui portent sur la musique comme moteur de développement chez les enfants sont nombreux. Relisez nos articles sur le sujet: