Bien au-delà de leurs personnages, leurs sourires sont marquants. Solistes, choristes, directeur musical, metteur en scène, musiciens, éclairagistes, maquilleuses et maquilleurs, coiffeuses et coiffeurs: la plus grande passion qui les habite leur a manifestement manqué, c'est-à-dire chanter, jouer ou produire pour la scène. Le public, lui aussi, s’est visiblement ennuyé de ces moments où l’on apprécie un spectacle de très grande qualité et si haut en couleur.
Car il y en a des couleurs dans cet opéra classique L’elisir d’amore, de Donizetti, présenté par l’Opéra de Québec au Grand Théâtre de Québec, jusqu’au samedi 30 octobre. En fait, de l’amour, des rires et beaucoup de bonheur. Bref, un opéra de très grande qualité qui nous fait tellement de bien après deux années d’absence des artistes sur les planches. Deux années où les arts de la scène, qui nous font sourire, rire, réfléchir et pleurer, sont pratiquement disparus.
L’histoire
Dans un petit village de campagne italien, le timide paysan Nemorino (Julien Dran) est follement amoureux de la jolie Adina (Catherine Saint-Arnaud), une fermière riche et instruite. Celle-ci se moque de ses sentiments à son égard, d’autant plus qu’elle est séduite par Belcore (Hugo Laporte), un militaire pompeux et sûr de lui. De passage dans le village, le docteur Dulcamara (Julien Véronèse) propose divers élixirs tous plus loufoques les uns que les autres, dont le fameux philtre d’amour (qui n’est en fait qu’un vin de Bordeaux). Mais l’élixir saura-t-il faire effet sur la belle Adina?
«C’est une histoire d’amour, mais surtout, très joyeuse. Les personnes qui ne s’y connaissent pas en opéra, voire les enfants, sauront tout autant l’apprécier, car c’est à la fois amusant et léger, agrémenté d’une musique jolie et raffinée et d’airs qu’on aime retenir, explique Jean-François Lapointe, baryton de réputation internationale, directeur artistique de l’Opéra de Québec et professeur invité à la Faculté de musique de l'Université Laval. La distribution, qui est exceptionnelle, est composée de gens très compétents, jeunes et dynamiques, qui sont tous aussi bons chanteurs que bons comédiens.»
En fait, pas moins d’une quinzaine de diplômés de la Faculté de musique Université Laval composent la production: Hugo Laporte, baryton, 11 choristes et le directeur Jean-François Lapointe.
De ce nombre, un nom particulièrement est à retenir, celui d’Hugo Laporte. Titulaire d'une maîtrise en musique – interprétation et chant de l’Université Laval depuis 2017, Hugo Laporte s’avère un jeune baryton talentueux au riche parcours. Il est notamment lauréat du prix Teatro alla Scala du concours Belvedere Hans Gabor (2019) et du Grand Prix du concours OSM Standard Life (2014). Bref, depuis sa sortie de l’Université, les projets et les rôles s’enchaînent.
«J’ai de l’expérience, mais il reste que je n’ai quand même pas encore 10 ans de carrière derrière moi, je suis encore jeune, dit Hugo Laporte en souriant. Je me sens tellement privilégié chaque fois de fouler la scène. Chaque expérience m’apporte beaucoup, me forme en tant qu’interprète et artiste de la scène. Chaque expérience que je vis vaut encore plus et me grandit.»
Ce rôle de Belcore était, dit-il, parfait pour lui. Mais pourquoi? «Il s’agit évidemment d’un rôle de baryton, mais vraiment pour mon type de voix, affirme-t-il. Étant considéré comme un baryton lyrique, soit comme la voix typique du baryton – voix relativement légère, claire et puissante –, le bel canto, qui est une technique de chant classique et de tradition lyrique italienne et qui s’applique dans cette œuvre, me convient donc parfaitement.»
D’étudiant à soliste
Jean-François Lapointe a vu évoluer Hugo Laporte au cours des dernières années. Lui-même ayant été l’un de ses professeurs à l'occasion d’une classe de maître à l’Université Laval et ayant été aussi juge invité lors de son examen de fin de maîtrise.
«Hugo est talentueux; c'est un artiste qui a une très belle personnalité, qui chante bien, qui joue bien, que j’estime énormément, indique le directeur artistique de l’Opéra de Québec. Il a d’ailleurs eu une note extraordinaire à son examen de fin de maîtrise (rires). Bref, Hugo sera vraiment à surveiller au cours des prochaines années. J’ai beaucoup de confiance en son avenir et en son développement. En tant que pédagogue, j’ai toujours aimé aider les artistes de talents. De plus, ayant eu moi-même une carrière à l’international, j’ai toujours eu une vision du développement d’une carrière par étapes. C’est, en gros, comme le développement de sa propre voix: il ne faut pas aller trop loin trop vite. Ainsi, on évite les erreurs et les mauvais choix pour soi.»
Une production québécoise
Jean-François Lapointe est visiblement très sensible au sort qu’ont subi les artistes et artisans de la scène depuis deux ans, soit depuis les débuts de la pandémie. «Je me suis fixé deux mandats principaux: de continuer de faire malgré tout de l’art lyrique afin de nourrir notre public, donc de rester vivant et présent et, deux, de continuer d’engager des artistes et artisans d’ici et de les faire vivre. Car une production, ce sont les solistes, les chœurs, les maquilleuses et maquilleurs, les coiffeuses et coiffeurs, mais aussi les employés des ateliers de fabrication de costumes et de décors.»
Le directeur artistique a de quoi être fier, puisque malgré le contexte de crise sanitaire, lui et ses collègues auront réalisé pas moins de quatre productions numériques, pour réaliser son premier objectif. De plus, la présente production d’Elisir d’amore, symbole du retour de l’opéra à Québec et qui lance d'ailleurs la saison de l’Opéra de Québec, est composée très majoritairement d’artistes et d’artisans de la région de Québec.
Les projets à venir d’Hugo Laporte
D’autres magnifiques projets attendent le jeune baryton, et ce, tant sur la scène nationale qu’internationale. Au total, sept rôles sont confirmés pour lui pour les deux prochaines années, dont en France et en Italie, et à la fameuse Scala de Milan en 2023. En mars prochain, il prendra part, à Montréal, à la production du célèbre Carmen, de Georges Bizet, dans le rôle du toréador Escamillo.
L’opéraL’elisir d’amore de Gaetano Donizetti est présenté jusqu’au 30 octobre, à la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec.
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