Après un festival bouleversé par la pandémie, Québec en toutes lettres revient en force dans les salles de la capitale, du 14 au 24 octobre. Si la plupart des spectacles et des activités littéraires se déroulent dans des musées et des établissements culturels, une proposition fera voyager la poésie dans un lieu un brin inusité: les couloirs souterrains de l'Université Laval.
Le sol s'ouvrira à moi est un spectacle déambulatoire ayant pour thème le sublime. Le titre fait référence à un vers de Marie Uguay qui a inspiré la création. L'œuvre, mise en scène par Maëlle Morin, Mona Déry-Jacquemin et Francis Paradis, est constituée de stations animées par des artistes de divers horizons, dont la littérature, la danse et le théâtre. Le rendez-vous est donné au pavillon Louis-Jacques-Casault le 20 octobre, à 19h30.
Un parcours poétique dans les tunnels de l'Université? Maëlle Morin, étudiante au baccalauréat en études et pratiques littéraires, admet que le choix du lieu a de quoi surprendre. «Les tunnels, on les voit normalement dans une perspective utilitaire et on y accorde peu d'importance. Pour ma part, je les emprunte pour éviter la pluie ou les tempêtes de neige. L'objectif, justement, est de sublimer ce lieu par la présence de poètes et d'artistes. On veut proposer au public une nouvelle expérience, le surprendre et peut-être même le déranger.»
Le parcours sera animé par 10 artistes, Mo Bolduc, Philip Després, Simon Douville, Carolanne Foucher, Cassia Narbonne, Narcissa, Narcisse, Valérie Pitre, Nana Quinn et Justice Rutikara. «Nous avons fait appel à des artistes queers qui abordent la notion d'intimité dans leur production artistique, explique Francis Paradis. Le spectacle sera porté par des voix de la relève et d'autres plus établies. Ces artistes ont en commun de s'engager dans leur pratique avec l'idée de la fulgurance, de l'extravagance ou de la sensualité.»
Le spectacle sera éclaté, certes, mais pas frivole. «Le sublime n'est pas qu'un thème joyeux ou festif; il peut être aussi politique et revendicateur, rappelle Francis Paradis. Nous avons invité les artistes à se positionner sur des causes qui leur tiennent à cœur. C'est le cas par exemple de Nana Quinn, qui vient de publier son premier recueil, Mauve est un verbe pour ma gorge, qui aborde l'enjeu de la violence conjugale. En même temps, nous avons des personnalités issues du milieu de la fête, comme la dragqueen Narcissa. Nous avons mis en lien tous ces artistes afin de créer un parcours qui soit vivant, dynamique et uniformisé par le béton des tunnels.»
Carol-Ann Belzil-Normand à la Nuit de la poésie
Chargée de cours à l'École de design, Carol-Anne Belzil-Normand s'est tournée vers la poésie après avoir fait ses preuves dans le monde des arts visuels et du cinéma d'animation. Le 23 octobre, à l'occasion de la Nuit de la poésie, elle offrira un extrait de son second recueil, Pussy Ghost, paru récemment aux Écrits des forges.
Cette œuvre porte sur la place accordée à la parole des femmes au cinéma, mais aussi dans le milieu de la culture et la vie quotidienne en général. Il s'agit d'un thème qui interpelle particulièrement l'artiste. Le recueil, écrit durant le premier confinement lié à la pandémie, est né d'un constat: les films réalisés par des femmes sont peu accessibles au grand public. «Au début de la COVID-19, j'ai visionné beaucoup de films. Je me suis aperçu qu'il était difficile de trouver certaines œuvres signées par des femmes. Ces productions, souvent indépendantes, ne figurent pas aux catalogues de gros distributeurs et donc ne se retrouvent pas sur des plateformes comme Netflix», dit celle dont la thèse de doctorat porte sur le cinéma d'animation au féminin.
Son recueil se veut un hommage à Virginie Despentes, Catherine Breillant, Léa Pool, Chantal Akerman, Lotte Reiniger, Agnès Varda, Julia Pott et plusieurs autres. On y trouve des allusions à leurs univers cinématographiques sans que les films soient forcément nommés.
Au sujet de Germaine Dulac, que l'histoire semble avoir oublié malgré sa grande contribution au septième art et son implication pour le droit des femmes, Carol-Ann écrit: «cinéma d'infortune / en noir et blanc / sur pellicule / genre années 20 / allure impressionniste / de l'avant-garde en retard / manœuvre burlesque / d'un suicide vivant / les femmes cinéastes meurent / avant qu'elles ne vivent.»
Autre exemple, cette fois sur Kathryn Bigelow, première femme à recevoir l'Oscar du meilleur réalisateur pour le film de guerre Démineurs en 2010: «explosion / émulsion d'hémoglobine / pour tout finir / en film de genre.»
«Mon recueil est un hommage aux femmes cinéastes, mais c'est aussi une œuvre intime parce que j'aborde leur travail cinématographique à travers ma perception. J'ai voulu mettre en valeur les sensations synesthésiques que j'ai ressenties en voyant leurs films», explique Carol-Ann, dont le recueil comprend aussi des réflexions sur le vide, l'existence, le réel et le désir, entre autres thèmes.
L'auteure brûle d'impatience de partager des extraits de son livre lors de la Nuit de la poésie, elle qui vivra sa toute première lecture publique. «Le contexte sanitaire n'a pas permis de tenir un lancement en personne de mes deux recueils, Pussy Ghost et Sanités. Je vais enfin rencontrer des poètes et des poétesses dans un événement littéraire. Ça va faire du bien de rencontrer cette communauté et un public qui s'intéresse à la poésie.»
À l'instar de Carol-Ann Belzil-Normand, plusieurs artistes étudiants ou diplômés de l'Université Laval participeront à l'événement, dont Anne-Julie Royer, Mattia Scarpulla et Anne-Marie Desmeules.
La Nuit de la poésie débute à 20h au Musée national des beaux-arts du Québec. Elle sera diffusée en direct pour ceux qui désirent assister virtuellement à l'événement.
D'autres activités à mettre à l'agenda
La programmation de Québec en toutes lettres comprend aussi un entretien avec Sophie Létourneau, professeure en création littéraire, au sujet de son livre Chasse à l'homme, lauréat du Prix littéraire du Gouverneur général. À cela s'ajoute une entrevue avec l'humoriste, biologiste et auteur Boucar Diouf, qui se verra bientôt remettre un doctorat honorifique par l'Université.
Alex Noël, chargé de cours au Département de littérature, théâtre et cinéma, et Laetitia Beaumel, doctorante en littérature, musique et agriculture, font partie des artistes dont les œuvres seront exposées dans les rues du Vieux-Québec et du quartier Saint-Jean-Baptiste.
Le visuel du festival, enfin, a été créé par Charles-Étienne Brochu, chargé de cours à l'École de design.
Programmation complète sur le site de Québec en toutes lettres