«Je ne suis sans doute pas la première à le dire, mais la musique, c'est rassembleur, ça apporte quelque chose à l'âme», lance d'emblée Sandra Chartrand pour expliquer son attachement à la cause musicale et, par le fait même, l'aide historique accordée à la Faculté de musique par l'organisme qu'elle a fondé avec son conjoint, Alain Bouchard, homme d'affaires, fondateur d'Alimentation Couche-Tard Inc. et récipiendaire d'un doctorat honoris causa de l'Université Laval.
Active depuis plus de 20 ans, et de multiples manières, dans le milieu culturel et musical – elle est notamment membre du conseil d'administration de l'orchestre symphonique de Montréal –, la philanthrope est une habituée du domaine et bien au fait des défis qui le caractérisent. Au nombre des donataires de la Fondation Sandra et Alain Bouchard (FSAB), on compte plusieurs orchestres et établissements d'enseignement supérieur. Alors que ni l'un ni l'autre des membres du couple n'a fait ses études sur le campus, pourquoi avoir choisi d'inclure sa Faculté de musique à leur liste?
«J'ai pris connaissance de son dynamisme à la faveur d'une rencontre avec la doyenne Carmen Bernier et ça m'a accrochée, relate Sandra Chartrand. J'ai découvert une belle correspondance entre le volet culturel de notre mission et celle qui anime la Faculté.» Une rencontre de valeurs partagées qui résonnent, par ce geste, au-delà de l'aspect financier, confirme Carmen Bernier. «Ce don d'exception porte un message comme quoi la musique a une valeur dans la société. Il représente un encouragement moral qui donne beaucoup d'espoir au sens noble du terme à nos étudiants, à nos professeurs et à toute notre communauté», se réjouit-elle.
Coup de main aux artistes
Plus précisément, le don de la FSAB se décline en deux volets. Le premier consiste en des bourses qui seront remises à des étudiants talentueux afin de résoudre une situation financière qui pourrait compromettre leur parcours vers l'excellence et l'épanouissement de leurs débuts professionnels.
Cette cause, Sandra Chartrand l'a à cœur puisqu'elle en a été témoin de l'intérieur. «Quand j'étais au cégep, une très bonne amie à moi étudiait le piano et entamait sa carrière de pianiste. Non seulement j'ai développé ma passion pour la musique en allant l'entendre lorsqu'elle se produisait, mais j'ai aussi réalisé toute la rigueur et le dévouement nécessaires à la pratique de son art. J'ai aussi pris conscience des frais associés au perfectionnement, aux déplacements des artistes. Alors, si on peut faire une petite différence pour les aider à poursuivre leur cheminement et leur carrière, pourquoi pas?»
Dans cette foulée, deux premières candidates recevront 15 000$ chacune. Jessica Latouche est étudiante au doctorat en interprétation, chant lyrique. La soprano reçoit une bourse dans la catégorie interprétation. «J'ai appris la nouvelle avec beaucoup de joie, raconte-t-elle. La confiance que ces donateurs expriment envers ma personne et mon art, c'est vraiment valorisant. J'ai choisi de m'investir à fond dans mes études. Combiné à mes débuts de carrière en tant que jeune professionnelle, ça demande beaucoup de temps et d'investissement personnel. Cette bourse enlève une pression énorme vers l'atteinte d'un équilibre qui autrement aurait été beaucoup plus complexe.»
De son côté, étudiante au doctorat en musicologie/recherche-création et violoniste, Aurélie Thériault-Brillon s'adonne à la pratique de son instrument tout en s'intéressant à l'influence d'une formation musicale classique en interprétation de la musique traditionnelle québécoise. Elle obtient pour sa part une bourse dans la catégorie recherche. «Je ne m'y attendais pas, c'est une très belle surprise et un grand honneur, affirme-t-elle. Le fait que cette bourse provienne de donateurs privés plutôt que d'un organisme subventionnaire lui ajoute un aspect encore plus personnalisé. C'est aussi un soulagement financier. Avant, je gagnais ma vie avec des contrats comme violoniste. Depuis la pandémie, ce n'est plus possible. Plutôt que de remettre en question mon avenir dans le domaine, comme d'autres se voient obligés de le faire, cela m'encourage à continuer.»
Les jeunes, la musique, la société
Une autre part substantielle du don de la FSAB sera consacrée au financement de L'Université des jeux(nes) musiciens (UJM). Sous la responsabilité du professeur de didactique instrumentale Francis Dubé, ce projet qui a cours depuis l'automne 2019 porte sur l'apprentissage de la musique chez les jeunes à l'aide de jeux analogiques et numériques conçus pour les besoins du projet.
Plus précisément, en combinant des approches sociale, éducative, culturelle et scientifique, l'UJM vise la mise sur pied d'une école qui accueillera des enfants de 5 à 10 ans issus d'une variété de milieux. Ceux-ci y conjugueront l'apprentissage de la musique avec celui du vivre ensemble. Le tout est réalisé en partenariat avec une quinzaine pays situés sur cinq continents avec pour but d'y implanter ce type d'écoles.
«C'est un grand projet porteur et innovant de notre Faculté, déjà structuré et appuyé par d'autres donateurs, indique Carmen Bernier. Sa formule unique et son caractère social favorisent l'inclusion et l'intégration, et permettent d'avoir des bienfaits directs dans la communauté.» Quant à Sandra Chartrand, elle se dit emballée par l'UJM. «J'aime beaucoup l'idée de rallier musique et aspect social, dit-elle. Sans compter que les effets positifs de la musique sur le cerveau ne sont plus à prouver en ce qui concerne les apprentissages. C'est pourquoi investir dans l'enseignement de la musique à large échelle chez les jeunes est primordial. Pour eux, c'est une très belle source de motivation.»
Il tarde d'ailleurs à la donatrice qui habite la région montréalaise de mettre les pieds au pavillon Louis-Jacques-Casault pour rencontrer les porteurs de ce projet, les récipiendaires des bourses et de les entendre en répétition, une fois que les consignes sanitaires le permettront. «Ce sera pour moi un grand plaisir», conclut-elle avec enthousiasme.