
Pierre Blanchet, Simon Pepin et un échantillon de leur panneau fait de terre et de fibres de bois. Ce type de panneau offre des performances équivalentes ou supérieures au traditionnel panneau de gypse tout en ayant une empreinte écologique plus faible.
— Université Laval, Yan Doublet
Feriez-vous confiance à un panneau de cloison sèche dans lequel le gypse a été remplacé par de la terre et des fibres de bois? Il y a de bonnes chances que vous accueilliez cette idée avec un certain scepticisme, mais une étude publiée par deux chercheurs de l'Université Laval dans la revue Construction and Building Materials suggère que votre méfiance n'est pas fondée.
En effet, l'étude comparative menée par le professeur Pierre Blanchet et le stagiaire postdoctoral Simon Pepin, du Département des sciences du bois et de la forêt, montre que des panneaux faits de terre et de fibres de bois n'auraient rien à envier aux panneaux de gypse, tout en ayant une empreinte écologique plus faible.
En raison de leurs nombreuses qualités, les panneaux de gypse, communément appelés «feuilles de gyproc», sont omniprésents dans les bâtiments en Amérique du Nord. Au Québec seulement, on en installe annuellement une superficie qui totalise près de 65 millions de mètres carrés, soit environ 11 000 terrains de football.
Malheureusement, ce matériau a un défaut qui n'est pas négligeable. «Bien qu'il soit théoriquement possible de récupérer et de recycler les panneaux de gypse, des contraintes techniques et économiques font qu'ils terminent leur vie utile dans des sites d'enfouissement», souligne Pierre Blanchet. Au Québec, cela représenterait près de 200 000 tonnes de résidus annuellement.

Au Québec, environ 200 000 tonnes de résidus de panneaux de gypse sont dirigés vers les sites d'enfouissement chaque année.
— Getty Images/rand22
Pour fabriquer les panneaux qui ont servi à l'étude, les chercheurs ont utilisé une matière première on ne peut plus locale: la terre du campus de l'Université Laval. Cette terre a d'abord été séchée puis tamisée pour en retirer les particules grossières, explique Simon Pepin. «On y ajoute ensuite de l'eau, de la colle et des fibres de bois (4% du poids total) afin d'améliorer certaines propriétés du panneau, comme sa flexibilité. Le mélange est ensuite coulé dans un moule entre deux feuilles de papier identiques à celles utilisées dans la production des panneaux de gypse. Enfin, on procède au séchage pendant cinq jours.»
Ce n'est pas un hasard si ces étapes s'apparentent à celles utilisées pour la production industrielle des panneaux de gypse. «C'est voulu ainsi pour qu'ils puissent éventuellement être produits dans les mêmes usines», précise Pierre Blanchet.

Pour fabriquer les panneaux qui ont servi à cette étude, les chercheurs ont utilisé de la terre provenant du campus de l'Université Laval.
— Université Laval - Yan Doublet
Les chercheurs ont soumis leurs panneaux de terre et de fibres de bois et des panneaux de gypse à une série de tests afin d'en comparer les propriétés hydriques, mécaniques (flexibilité, résistance), thermiques et acoustiques. «Les performances de nos panneaux sont aussi bonnes sinon meilleures que celles des panneaux de gypse, résume Simon Pepin. Entre autres, ils bloquent davantage les sons et leur capacité élevée d'emmagasiner l'eau permettrait un contrôle passif de l'humidité dans un bâtiment. Leur seul point faible est leur taux de relâchement de chaleur plus élevé au début du test de combustion. Ce point pourrait être corrigé par l'ajout de perlite ou de vermiculite au mélange de terre et de fibres de bois.»
Malgré les performances remarquables des panneaux de terre et de fibres de bois, le professeur Blanchet ne se fait pas d'illusion. Cette étude n'annonce pas la fin de la domination du panneau de gypse en Amérique du Nord.
«Par contre, le panneau que nous proposons pourrait élargir l'offre actuelle et répondre aux besoins des architectes et des professionnels du bâtiment qui cherchent un matériau à faible impact environnemental. Non seulement ces panneaux réduiraient-ils le volume de résidus de panneaux de gypse qui prend le chemin des sites d'enfouissement, mais en utilisant une colle comme la fécule de maïs, nous aurions un matériau entièrement compostable.»
L'étude parue dans Construction and Building Materials est signée par Simon Pepin et Pierre Blanchet. Les deux chercheurs mènent leurs travaux au sein du Centre de recherche sur les matériaux renouvelables et du Centre de recherche sur les matériaux avancés.

























