
Un lac canadien riche en nutriments dans lequel des algues et des cyanobactéries, des microorganismes aussi considérés dans l'étude, prolifèrent.
— Courtoisie
La croissance des algues s'accélère dans les lacs du Canada depuis les années 1960. Une équipe de recherche codirigée par l'Université Laval et l'Université McGill révèle que cette prolifération est 7 fois plus rapide qu'au cours des décennies précédentes. Leur étude, publiée dans la revue Communications Earth & Environment, montre que le réchauffement climatique est le moteur principal de cette tendance.
Alors que des études antérieures portant sur un nombre limité de lacs ou sur des périodes plus courtes associaient la croissance des algues à la pollution locale, comme le ruissellement des engrais, cette nouvelle recherche met en lumière une dynamique plus vaste. À la surprise des scientifiques, même les lacs éloignés de toute activité humaine ne sont pas épargnés.
Pour en identifier les causes, l'équipe a analysé des carottes de sédiments remontant jusqu'aux années 1800, prises dans 80 lacs, dans le cadre du Réseau du CRSNG sur l'état des lacs du Canada, et utilisé des techniques d'apprentissage automatique afin de détecter les tendances à long terme. Ces données ont ensuite été comparées à des relevés historiques sur la température de l'air, l'ensoleillement et l'activité humaine à proximité des lacs.
«Nos résultats indiquent clairement que le réchauffement climatique est le principal moteur de la dynamique des algues que nous avons observée», affirme Dermot Antoniades, professeur à la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique et l'un des cosignataires de l'étude. «Les lacs se réchauffent en même temps que le climat, ce qui crée des conditions idéales pour la croissance de ces microorganismes aquatiques.»
D'autres facteurs, comme le rayonnement solaire et l'utilisation des terres, ont également eu un effet, mais la hausse des températures demeure l'influence la plus marquée.
Une responsabilité écologique partagée
L'équipe de recherche insiste sur l'importance de ce problème et la nécessité d'une action concertée à l'échelle mondiale. «Nos travaux montrent que les solutions locales, comme la réduction du ruissellement des engrais, ne suffisent plus. Il faut impérativement agir sur le climat pour protéger durablement nos lacs», affirme Hamid Ghanbari, chercheur postdoctoral à l'Université Laval et auteur principal de l'étude.
Selon les scientifiques, la qualité de l'eau est intimement liée au bien-être des communautés. «Les lacs, rappelle Dermot Antoniades, sont des lieux où l'on se baigne, où l'on pêche, où l'on puise notre eau potable et où plusieurs entreprises exercent leurs activités. Une prolifération incontrôlée d'algues peut nuire à la santé, tuer des poissons, dégager des odeurs désagréables sur les plages et entraîner des coûts économiques.»
«Ignorer ces enjeux, c'est s'exposer à des risques accrus pour notre eau, notre faune et notre économie. C'est un défi collectif qui exige l'engagement de toutes et tous – citoyennes et citoyens, gouvernements, organismes et entreprises – pour réduire notre empreinte carbone», conclut Hamid Ghanbari.
Les signataires de l'étude sont Hamid Ghanbari et Dermot Antoniades, de l'Université Laval, Irene Gregory-Eaves, de l'Université McGill, et des scientifiques d'autres universités canadiennes.