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Les choses ne se sont pas bien passées pour Caroline Biron pendant son doctorat à l'Université de Manchester au Royaume-Uni. «Mon parcours doctoral a été difficile. Mon projet de recherche ne se déroulait pas comme prévu. J'avais l'impression d'être inadéquate, je me demandais si je travaillais suffisamment et je me comparais constamment à un autre doctorant à qui tout réussissait. J'ai vécu des mois difficiles.»
Les paroles de celle qui est aujourd'hui professeure au Département de management de l'Université Laval ont trouvé écho chez la centaine de personnes, en majorité des étudiantes et étudiantes des cycles supérieurs, qui étaient réunies sur le campus le 24 avril à l'occasion de la Journée scientifique étudiante et de développement de carrière de VITAM – Centre de santé durable. Et pour cause. Le thème de la rencontre portait sur une préoccupation importante dans le monde universitaire actuel: la santé psychologique des étudiantes et étudiants.
«Le milieu universitaire est traditionnellement très compétitif, constate Caroline Biron. Cette attitude est encouragée par certains professeurs, ce qui n'est pas toujours sain. Je vois des étudiants qui font des parcours complètement isolés, qui s'impliquent très peu, qui n'ont pas le temps de s'engager dans des comités ou de participer à des conférences, qui investissent beaucoup d'heures dans leurs études parce qu'ils veulent aller vite afin de terminer rapidement ou parce que leur soutien financier arrive à terme.»
Cette attitude ne favorise pas l'équilibre entre la santé et la performance, poursuit la professeure qui est également directrice du Centre d'expertise en gestion de la santé et de la sécurité du travail et chercheuse à VITAM – Centre de recherche en santé durable.
«Travailler est bon pour la santé, surtout si ce travail est stimulant et qu'on l'exerce dans de bonnes conditions. Toutefois, au Québec, entre 20% à 25% des emplois posent des risques psychosociaux élevés parce qu'ils sont caractérisés par une demande psychologique élevée – travailler vite, travailler fort, être fréquemment interrompu – et une faible marge de manœuvre. On peut dire avec une certaine certitude que beaucoup d'étudiants sont dans un travail sous tension. Ont-ils la marge de manœuvre requise pour faire face à cette charge-là? Sont-ils dans un environnement contrôlant? Ont-ils la possibilité de prendre des décisions? Ça fait toute la différence quant aux impacts négatifs sur la santé.»
Trouver l'équilibre entre la performance et la santé psychologique est un exercice délicat. Il ne faut pas miser uniquement sur des stratégies individuelles, comme le font malheureusement de nombreuses organisations, insiste la professeure Biron. Il faut aussi faire appel à des stratégies collectives, managériales, organisationnelles et même sociétales.
— Caroline Biron
La piste IGLO
Parmi les pistes de solutions existantes, la professeure Biron avoue apprécier le modèle IGLO, qui fait intervenir l'individu, le groupe, les leaders et l'organisation.
«Individuellement, qu'est-ce que je fais pour ma santé mentale? Est-ce que mon état de santé fait en sorte que je ne devrais pas être au travail aujourd'hui? Est-ce que je me permets de faire un arrêt? On n'a pas toujours besoin de s'absenter un mois. Parfois, une heure suffit. Il est préférable de travailler mieux plutôt que de travailler plus longtemps.»
Les groupes et les équipes doivent se demander quelles sont leurs valeurs cardinales. «Est-ce que l'on s'apporte du soutien, de la reconnaissance ou est-ce qu'on compétitionne, entre autres pour le nombre d'heures travaillées? Qu'est-ce qu'on valorise?»
À titre de responsables d'équipes de recherche, les professeurs ont un rôle déterminant sur la qualité de l'environnement de travail, poursuit-elle. «Quelles sont nos pratiques de gestion de la charge de travail, de l'autonomie et de la reconnaissance? Est-ce qu'on favorise des équipes qui se soutiennent et qui collaborent?»
Quant aux organisations, elles doivent prendre des mesures pour favoriser la santé psychologique de leur personnel et pour prévenir les problèmes. Quelle place accordent-elles à la bienveillance dans la gestion des personnes?
À la lumière de sa propre expérience, la professeure Biron a livré un dernier conseil à son auditoire. «Il ne faut jamais penser qu'on est seul à vivre une situation difficile, à être surchargé, fatigué ou démotivé. Quand ça va mal, il ne faut pas hésiter à en parler à son superviseur. Un soutien indéfectible fait toute la différence pour la santé psychologique.»