
En course à pied, la charge que le tendon d'Achille doit supporter représente entre 6 et 12 fois le poids du corps à chaque foulée. Environ 50% des adeptes de ce sport souffriront un jour d'une tendinite au tendon d'Achille.
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De plus en plus d'études suggèrent que la réadaptation des personnes qui souffrent de blessures musculosquelettiques peut être entravée par la peur irrationnelle d'avoir mal en exécutant certains mouvements (kinésiophobie) et par la propension à imaginer des issues très négatives à leur problème. Une nouvelle preuve à cet effet vient d'être apportée par une équipe de l'Université Laval qui a publié, dans la revue Sports Health, une étude montrant que la douleur ressentie par les adeptes de la course à pied aux prises avec une tendinite au tendon d'Achille est associée à la kinésiophobie et à la propension au catastrophisme.
Environ 50% des personnes qui font de la course à pied souffriront un jour d'une tendinite au tendon d'Achille, rappelle le responsable de l'étude, Jean-Sébastien Roy, professeur à l'École des sciences de la réadaptation et chercheur au Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale de l'Université Laval. «La course est une activité très exigeante pour ce tendon. En général, les charges qu'il doit supporter représentent environ 6 fois le poids du coureur à chaque foulée, mais elles peuvent atteindre jusqu'à 12 fois son poids en montée ou en descente», signale-t-il.
La tendinite au tendon d'Achille peut être tenace. Dans le tiers des cas, elle est toujours présente un an après l'apparition des symptômes. «Le problème peut même subsister pendant plusieurs années et les récidives sont fréquentes, ce qui affecte la qualité de vie des gens», souligne le chercheur.
Afin d'identifier les facteurs associés à la douleur ressentie par les personnes qui souffrent d'une tendinite au tendon d'Achille, le professeur Roy et son équipe ont recruté 84 adeptes de la course chez qui ce problème était apparu depuis moins de trois mois. Ces personnes ont d'abord rempli un questionnaire fréquemment utilisé en clinique pour ce type de blessure, le VISA-A.
«Il comporte 8 questions qui reposent sur une évaluation subjective que les patients font de leur état, par exemple, quelle est l'intensité de la douleur ressentie lorsque vous descendez un escalier? Les réponses permettent de calculer un score global de douleur pour chaque patient», résume le professeur Roy.
Par ailleurs, les personnes participantes ont été soumises à un examen clinique de leur blessure, incluant des tests fonctionnels tels que des sauts sur un pied, et une échographie du tendon. Elles ont aussi fourni des informations qui ont permis d'évaluer leur degré de kinésiophobie et leur propension au catastrophisme.
Les analyses ont révélé que les trois principales variables associées à l'intensité de la douleur estimée par le test VISA-A sont la douleur provoquée par des sauts sur un pied, la présence d'un élargissement du tendon détectée à l'échographie et le degré de kinésiophobie et de propension au catastrophisme.
Les deux premiers facteurs ne constituent pas une surprise, observe le professeur Roy. Un tendon d'Achille irrité est plus sensible et il y a un changement de composition et de structure dans la section affectée. Quant aux deux derniers facteurs, ils montrent qu'une composante psychologique entre en jeu dans la perception de la douleur.
— Jean-Sébastien Roy
La dimension psychologique des problèmes musculosquelettiques est parfois négligée en clinique, constate-t-il. «Il est important de prendre le temps de rassurer les patients, de leur dire que les muscles et les tendons doivent être sollicités pour favoriser la guérison même si cela provoque un peu de douleur, que bien d'autres coureurs sont passés par là et que le pronostic de ce type de blessure est bon si l'on procède graduellement et qu'on laisse au corps le temps de s'adapter.»
Les autres signataires de l'étude parue dans Sports Health sont Marie-Hélène Lavallée-Bourget, Laurence Roy-Bélanger, Xavier Laurier, Arielle Tougas et Valérie Bélanger, de l'Université Laval, Blaise Dubois, de la Clinique du coureur, et María García-Arrabé, de l'Université européenne de Madrid.