Côté jardin – vue sur le Roger-Van den Hende. C'est le nom de la toute nouvelle exposition de la Bibliothèque de l'Université Laval consacrée à un jardin universitaire exceptionnel situé en périphérie du campus, au 2480, boulevard Hochelaga. L'idée est née dans la foulée des 50 ans d'existence du Département de phytologie. L'exposition, qui occupera une aire ouverte au quatrième étage du pavillon Jean-Charles-Bonenfant, ouvrira officiellement ses portes le vendredi 31 janvier et restera à l'affiche jusqu'au 2 février 2026.
À l'entrée, la visiteuse et le visiteur, qu'ils soient du milieu de l'enseignement, de la recherche ou du grand public, sont invités à plonger dans plus d'un siècle d'histoire, celui du développement de la botanique et de la phytologie au Québec avec, comme point focal, la contribution centrale de l'Université Laval en la matière. Par la suite, l'exposition propose une incursion pédagogique vulgarisée dans l'univers des familles botaniques présentes au jardin, un parcours appuyé par de magnifiques photographies prises sur place. Enfin, la visite se termine sur le lieu d'inspiration et de création que constitue le jardin pour de nombreux artistes-peintres et photographes.
L'étudiant inscrit à la maîtrise en biologie végétale et commissaire de l'exposition, Julien Roy, qualifie d'«aventure enrichissante» le fait d'avoir été responsable de la conception du projet.
«J'ai eu, dit-il, le privilège de plonger dans l'histoire de la botanique et de l'agriculture au Québec, non seulement à l'aide d'archives en ligne et de livres, mais également en consultant, ici à l'Université Laval, l'Herbier Louis-Marie, qui approche les 800 000 spécimens de plantes vasculaires, et la collection privée de l'abbé Léon Provancher. Par ailleurs, les nombreuses discussions que j'ai eues avec les anciens responsables, les passionnés, les chercheurs et les employés du Jardin Roger-Van den Hende ont été d'une grande richesse.»
Pour rappel, l'abbé Provancher, le frère Marie-Victorin et le père Louis-Marie Lalonde ont constitué le fer de lance d'un mouvement scientifique passionné par la floristique locale au Québec. Ce mouvement a traversé les 19e et 20e siècles.
Un précurseur
Roger Van den Hende a vu le jour en Belgique en 1909. Il est décédé à Oka en 2002. Professeur de botanique à la Faculté d'agriculture de l'Université Laval, il a proposé la création, en 1963, d'un jardin pédagogique. En 1975, année de sa retraite, l'Université donnait son nom au jardin.
Selon Julien Roy, il n'existait pas d'offre diversifiée de plantes ornementales disponibles au Québec à ce moment-là. «Roger Van den Hende déplorait que les jardins de monsieur et madame Tout-le-monde soient très peu diversifiés, raconte-t-il. Lui-même a contribué à développer des cultivars, à en tester la rusticité. Il est vraiment considéré comme le père des rhododendrons au Québec, une espèce qui fait des fleurs spectaculaires et colorées. Il a démontré qu'il était possible de faire pousser cette espèce vivace aussi au nord que la ville de Québec.»
La proposition de Roger Van den Hende consistait à établir une collection de végétaux comprenant arbres, arbustes, plantes vivaces et annuelles. Son jardin serait divisé en sections maraîchères, fruitières, ornementales, paysagères et expérimentales.
Ouvert officiellement au public en 1978, le Jardin Roger-Van den Hende se consacre d'abord et avant tout à l'enseignement et à la recherche. Sa superficie est de six hectares. On y trouve plus de 4000 espèces et cultivars de plantes originaires d'Amérique, d'Asie, d'Europe et du Québec regroupées par familles botaniques. Plus d'une trentaine d'étudiantes et étudiants y sont formés chaque année. Le nombre de semis en serre s'élève à plus de 5000 par an. Le jardin reçoit par ailleurs et annuellement plus de 50 000 visites.
Espèces emblématiques et riche biodiversité
L'exposition met notamment l'accent sur les pivoines, le potager et l'herbacetum.
«La collection de pivoines du jardin est constituée majoritairement d'un don privé d'Yvette Lapointe, souligne le commissaire. Sur sa propriété de Matane-sur-Mer, elle possédait plus de 800 cultivars, certains rarissimes. Une partie de cette grande collection a été déménagée au jardin en 2017.»
Le potager met en valeur diverses cultures comestibles typiques de la région de Québec. Les employés en font la récolte pour la remettre à Moisson Québec, une banque alimentaire.
À côté du jardin se trouve l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels de l'Université Laval. La direction organise chaque année un camp d'été pour les 10 à 15 ans. «Les jeunes, explique-t-il, viennent au potager identifier les espèces comestibles. Ils en font des semis, ils les transforment, ils les cuisinent. C'est une autre belle façon pour le jardin d'intégrer le public à sa mission pédagogique.»
Dans l'herbacetum se côtoient plus de 1000 espèces de plantes herbacées. «Dans l'exposition, indique-t-il, les gens apprennent que l'aubergine, la patate, la tomate et le poivron sont tous dans la même famille, celle des solanacées.»
Le jardin, pour les insectes pollinisateurs, représente «tout un luxe», aux dires de Julien Roy. «Il n'est pas rare, quand on se promène, de voir cette population, les abeilles, les papillons, les guêpes», ajoute-t-il.
Les oiseaux ne sont pas en reste, plusieurs espèces se nourrissant d'insectes et de semences. On trouve aussi des animaux comme la marmotte et l'écureuil. L'exposition montre une paruline obscure en gros plan dans un pommier. On voit un chardonneret jaune qui mange des graines. «On voit souvent un épervier au jardin, avec une buse, dit-il. Ces oiseaux prédateurs contribuent à l'équilibre naturel.»
Place à l'art
Le parcours de l'exposition prend fin sur des reproductions de croquis de pivoines liés à la donation d'Yvette Lapointe. Ces œuvres ont été réalisées par des membres du Collectif des ateliers libres en arts visuels de Québec. Dans une section en retrait, l'artiste peintre, designer et chargé de cours à l'Université Laval Pier Tremblay expose une série de toiles. Ces tableaux de plantes et de fleurs ont été créés à partir de photos. Ils sont accompagnés de descriptions poétiques.
Trois personnes ont joué un rôle clé dans la réalisation de l'exposition Côté jardin – vue sur le Roger-Van den Hende. Le designer graphique Alain Chouinard est l'un d'eux. À la Bibliothèque, il faut mentionner Marie Dufour, chargée de conservation et de mise en valeur des collections, et Simon Pierre Barrette, bibliothécaire à la Direction de l'accès aux ressources informationnelles. La grande majorité du matériel photographique utilisé provient de lui.