Ariane Millette n'est pas du genre à laisser un handicap dicter sa vie. Malgré tous les défis que représente le fait d'être malentendante depuis sa naissance, elle détient non pas un, mais quatre diplômes universitaires: une maîtrise en traduction et terminologie et des certificats en création littéraire et en révision professionnelle de l'Université Laval, auxquels s'ajoute un baccalauréat de l'Université d'Ottawa en lettres françaises.
Voilà qu'elle réalise un rêve qu'elle caressait depuis près de 20 ans: publier son premier roman. Déchiffrer la tempête paraît aux éditions Hurtubise. «Cet écrit représente l'atteinte de mon premier objectif de vie, admet-elle. Celui qui m'était le plus important. Et celui qui m'a pris le plus de temps à réaliser. Il représente aussi la récolte de mes apprentissages au sein du certificat en création littéraire. Tous mes professeurs m'ont appris quelque chose, m'ont fait expérimenter maints styles.»
Déchiffrer la tempête raconte l'histoire de Noah Poirier, un adolescent dont la vie est bouleversée par une perte d'audition irréversible. D'abord révolté, il apprendra à porter ses appareils auditifs, qu'il surnomme «les crevettes», et surtout à accepter sa différence.
Avec ce roman destiné autant aux adultes qu'aux adolescents, Ariane Millette parvient à plonger le lecteur dans la tête de ceux qui vivent avec un problème d'audition. Elle a recours à différentes techniques pour illustrer leurs défis quotidiens, comme des mots en italique pour représenter les paroles mal entendues, ou encore des points de suspension pour les fragments de discussions manquantes. «La façon dont Noah reçoit la parole est la mienne: un texte à trous», dit celle pour qui l'écoute et la prise de notes sur les bancs de l'Université causaient parfois des maux de tête.
L'autrice s'est donc inspirée de sa propre expérience, mais aussi de celle de gens rencontrés notamment à l'Association des personnes avec une déficience de l'audition, où elle a travaillé. Elle a également fait appel à une audioprothésiste et à une audiologiste pour s'assurer que le vocabulaire du roman respecte les termes médicaux. Enfin, elle a consulté de nombreux documentaires, autobiographies et autres références sur la surdité.
Plus qu'un roman jeunesse, Ariane Millette souhaite que son ouvrage devienne un «outil social et psychologique, un guide». «J'ai voulu présenter quelques difficultés des gens vivant avec une surdité à ceux qui n'ont pas de trouble de l'audition. Cela leur permet de chausser leurs souliers. Ensuite, j'ai voulu appuyer les jeunes – et les plus vieux! – qui peinent à accepter d'être différents. Déchiffrer la tempête leur montre qu'ils ne sont pas seuls et qu'être différent est la plus belle normalité.»
Ce qu'elle aimerait que l'on retienne par-dessus tout de son livre? «Que la normalité est faite d'imperfections. Tout le monde a sa propre différence. En ce qui concerne la surdité, elle n'est pas la fin du monde, mais le début d'un autre», affirme-t-elle.
Son premier roman publié, Ariane Millette a plusieurs projets de manuscrits dans ses cartons. Elle travaille sur la rédaction d'une trilogie fantastique jeunesse. Elle poursuit aussi des projets entamés à l'Université, notamment un «écrit littéraire poétique à fragments» dans un cours du professeur Michaël Trahan et une «duologie jeunesse de science-fiction» dans un atelier de Neil Bissoondath.