Lorsqu'il est question de pollution par les plastiques, des images d'amoncellements de déchets dérivant sur l'océan nous viennent spontanément à l'esprit. Pourtant, on aurait tort de croire que cette forme de pollution ne touche que les zones situées en haute mer. À preuve, une étude publiée dans Marine Pollution Bulletin par une équipe de l'Université Laval et de l'Université de Brest montre qu'il y a abondance de macrodéchets plastiques sur les rives du fleuve Saint-Laurent, et que la proximité de Montréal est le facteur qui influence le plus la densité de ces déchets.
«La présence de microplastiques dans les sédiments du fleuve Saint-Laurent avait déjà fait l'objet de travaux, mais à notre grande surprise, nous n'avons trouvé aucune publication scientifique portant sur les macroplastiques le long du Saint-Laurent. Nous avons donc entrepris de documenter l'abondance et la répartition des déchets plastiques visibles à l'œil nu sur les rives de l'estuaire et du golfe du Saint-Laurent», commente l'un des auteurs de l'étude, Philippe Archambault, professeur au Département de biologie, directeur scientifique du réseau ArcticNet et membre du Laboratoire de recherche international Takuvik.
Entre juillet et octobre 2022, des membres de l'équipe ont échantillonné neuf sites situés sur la rive nord du Saint-Laurent entre Trois-Rivières et Kegaska, et neuf sites situés sur la rive sud du fleuve, entre Saint-Nicolas et Pointe-à-la-Frégate, en Gaspésie. «Ces sites, choisis de façon aléatoire, étaient représentatifs des différents milieux naturels trouvés le long du Saint-Laurent», précise le professeur Archambault.
Les analyses ont révélé que les déchets plastiques étaient omniprésents sur les rives du Saint-Laurent. «Les déchets plastiques les plus fréquemment observés dans nos échantillons sont des fragments de plastique trop décomposés pour être associés à un produit en particulier, des emballages alimentaires et des douilles de cartouche», résume le chercheur.
L'abondance moyenne des déchets plastiques était de 0,17 item/m2, ce qui est relativement peu par rapport à ce qu'on trouve sur les rives des autres grands estuaires du monde, constate-t-il. Les densités les plus élevées ont été observées entre Trois-Rivières et Québec, avec un maximum de 0,4 item/m2 à Trois-Rivières. «Selon nos analyses, la proximité de Montréal est le facteur le plus important pour expliquer les variations dans l'abondance des déchets plastiques le long du fleuve Saint-Laurent. Plus on est près de Montréal, plus il y a de déchets plastiques, sans doute en raison du nombre de personnes qui y vivent», souligne le professeur Archambault.
Si ces déchets plastiques se retrouvent sur les rives du Saint-Laurent, c'est qu'ils n'ont pas été éliminés convenablement, poursuit-il. «La présence de la plus grande partie de ces plastiques ne peut être attribuée à des activités industrielles ou à des déversements dans le fleuve. Elle résulte de la somme de millions de petits gestes individuels malheureux. Même si seulement une petite partie de la population n'élimine pas convenablement ses déchets, on se retrouve avec beaucoup de déchets plastiques dans la nature.»
— Philippe Archambault
Les déchets plastiques sont non seulement une nuisance visuelle qui gâche les paysages en bordure du fleuve, mais ils constituent une source de pollution importante qui contamine les écosystèmes naturels. «Toutefois, contrairement aux microplastiques et aux nanoplastiques, ils présentent l'avantage d'être faciles à ramasser, ce qui permet de les retirer de l'environnement. Par contre, ces opérations doivent être répétées régulièrement parce que de nouveaux déchets s'ajoutent continuellement. La seule solution durable passe par l'éducation de la population», conclut-il.
Cette étude est tirée des travaux de doctorat de Lucie Toussaint. Ses études ont été réalisées au sein de Takuvik, en cotutelle à l'Université Laval et à l'Université de Brest. Les autres signataires de l'étude sont Philippe Archambault, Laura Del Franco, Arnaud Huvet, Matthieu Waeles, Julien Gigault et Ika Paul-Pont.