1 octobre 2024
Les consommateurs québécois mal outillés pour choisir des aliments à faible empreinte écologique
Près de la moitié des personnes croit, à tort, que le transport des aliments est le facteur qui a le plus d'influence sur la production de gaz à effet de serre dans le secteur alimentaire
Les consommateurs québécois sont mal outillés pour choisir des aliments qui ont une faible empreinte écologique parce qu'ils manquent de connaissances sur la question et parce qu'ils entretiennent de fausses croyances quant à l'importance relative du transport dans le bilan carbone des aliments. Voilà la conclusion à laquelle arrivent la professeure Laure Saulais et l'étudiant-chercheur Bertrand Espougne, du Département d'économie agroalimentaire et des sciences de la consommation l'Université Laval, au terme d'une étude dont les résultats viennent de paraître dans la revue Appetite.
En janvier 2023, l'équipe de recherche a sondé 978 adultes vivant au Québec afin de documenter leurs connaissances et leurs croyances au sujet de l'empreinte écologique des aliments. Les réponses au questionnaire en ligne ont révélé que les participants avaient un niveau de connaissances peu élevé sur le sujet.
«La note moyenne a été de 6,8 sur 16. C'est un résultat relativement faible, mais il n'est ni pire ni meilleur que celui observé dans les autres pays où des études similaires ont été menées», commente Laure Saulais, qui est également chercheuse au Centre Nutrition, santé et société et à l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels.
Les questions auxquelles devaient répondre les participants étaient de complexité variable. Certaines questions exigeaient peu de connaissances, par exemple: «Vrai ou faux, la production de 1 kg de bœuf génère plus de gaz à effet de serre que la production de 1 kg de blé» (vrai). Toutefois, d'autres questions faisaient appel à des connaissances assez pointues, par exemple: «Parmi les aliments suivants, quel est celui dont la production, par 100 g, génère le moins de gaz à effet de serre: des asperges produites au Chili et transportées au Québec par avion, du poulet produit au Québec, du bœuf produit au Québec, du tofu produit en France et transporté au Québec par bateau, du porc produit au Québec?». (Réponse: le tofu)
Près de la moitié des répondants (48%) croit que le transport des aliments est le facteur qui a le plus d'influence sur la production de gaz à effet de serre dans le secteur alimentaire. En réalité, rappelle la professeure Saulais, le transport contribue faiblement à l'empreinte carbone de la grande majorité des aliments. Des études ont déjà montré que le transport ne génère que 10% des émissions de gaz à effet de serre de tout le secteur alimentaire. Pour le bœuf, le pourcentage attribuable au transport est d'à peine 0,5%. «C'est la production de l'aliment qui est le responsable majeur de la production de gaz à effet de serre», précise-t-elle.
«Si l'on veut réduire l'impact environnemental de notre alimentation, il faut s'attarder au type d'aliments que l'on consomme et à leur mode de production plutôt qu'à leur provenance. Évidemment, si l'on doit choisir entre un aliment qui vient du Québec et le même aliment produit de façon identique dans un autre pays, le produit local est préférable», nuance la chercheuse.
L'importance que les répondants accordent au transport teinte leur jugement par rapport aux solutions qui permettraient de réduire l'empreinte écologique de leur alimentation. Ainsi, 37% des répondants jugent que le fait de manger local fait partie des trois solutions les plus efficaces pour réduire cette empreinte. Pour la même raison, 28% ont sélectionné «consommer moins d'aliments importés». «En réalité, dans la plupart des cas, les deux mesures les plus efficaces pour réduire l'empreinte carbone des aliments sont la réduction de la consommation de viande rouge et la diminution du gaspillage alimentaire», précise la professeure Saulais.
— Laure Saulais, un sujet d'un éventuel système d'étiquetage qui permettrait aux consommateurs de connaître l'empreinte écologique de chaque aliment offert en magasin
Le manque de connaissances et les croyances erronées par rapport aux aliments compliquent la tâche des personnes qui veulent tenir compte de l'environnement dans leurs choix alimentaires. «Pour les aider, plusieurs pays travaillent à l'adoption d'un étiquetage qui permettrait d'établir l'empreinte écologique de chaque aliment, souligne la chercheuse. Il pourrait se présenter sous la forme d'une jauge qui indiquerait clairement le score de l'aliment et qui permettrait aux consommateurs de comparer les aliments en fonction de leur empreinte.»
La professeure Saulais reconnaît que le prix des aliments est et restera sans doute le critère de sélection le plus important pour les consommateurs lorsqu'ils font leur épicerie. «Par contre, un étiquetage environnemental faciliterait la tâche des personnes soucieuses de l'environnement qui veulent faire leur part pour une alimentation durable.»