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Les communautés qui occupent un territoire riche en minéraux critiques pour la transition énergétique ont-elles une obligation morale de les exploiter? Ce questionnement est au cœur de la recherche de Jérôme Gosselin-Tapp, professeur à la Faculté de philosophie.
Avec son équipe, composée de Frédérique Jean, étudiante à la maîtrise, Sacha-Emmanuel Mossu, étudiant au doctorat, et Léonard Bédard, étudiant à la maîtrise, il s'intéresse à la gouvernance environnementale et aux droits territoriaux. Selon lui, le cas des exploitations minières était donc tout désigné, car le gouvernement québécois et l'industrie peuvent imposer ce type de projets au nom de la transition énergétique.
Les communautés ont-elles le droit de dire non? «En ce moment, elles ont certainement une obligation à l'égard de la transition vers une économie verte, mais cela a tout de même des implications énormes pour les groupes qui vont accueillir les mines ou les industries», explique Jérôme Gosselin-Tapp. Il ajoute que les communautés qui s'opposent aux projets sont souvent accusées de faire du «pas dans ma cour».
Le professeur admet qu'il y a parfois des oppositions fondées sur des motivations problématiques. «Mais on voit d'autres cas où c'est une opposition légitime, soit parce qu'elle est fondée sur l'exercice d'un droit territorial ou parce que les arguments remettent en question l'orientation du gouvernement en matière de transition énergétique.»
Un modèle de transition remis en question
Jérôme Gosselin-Tapp rappelle que le modèle de transition énergétique du gouvernement est critiqué, surtout en ce qui concerne la place de l'exploitation minière et autres industries polluantes. «D'autres options de décarbonation sont à considérer comme la décroissance ou la restructuration du système de mobilité. La transition vers une économie verte ne passe pas nécessairement par l'exploitation du territoire», soutient-il.
Dans ce contexte, son équipe a voulu déterminer quelle serait la ligne argumentative qui permettrait de déterminer d'aller de l'avant ou non avec un projet face à une opposition. «Dans quel cas le droit de la communauté pèse-t-il plus fort dans la balance que l'obligation de participer à la transition énergétique? Quelle doit être la force des arguments mis de l'avant par l'industrie?» questionne le chercheur.
Son équipe a déterminé que les communautés ont un droit fondamental de dire non, mais que ce droit n'est pas absolu. «L'industrie et le gouvernement doivent justifier que cette exploitation est absolument nécessaire. Le fardeau de la preuve revient à ceux qui veulent imposer les projets», ajoute Jérôme Gosselin-Tapp, qui a d'ailleurs analysé le cas de l'industrie Northvolt dans La Conversation.
Un axe de recherche en expansion
Dans le contexte québécois actuel, marqué par une prolifération des titres miniers visant des minéraux critiques, les recherches de Jérôme Gosselin-Tapp sont essentielles. Pour poursuivre ses travaux, il a récemment obtenu une subvention du Fonds de Recherche du Québec – Société et culture pour son projet intitulé «Droits territoriaux et protection de l'environnement: une étude des modalités de la gouvernance territoriale au Québec».
Il a également créé un cours sur ces enjeux qui sera offert pour la première fois à la session d'automne 2024, pour les étudiantes et étudiants qui souhaitent en apprendre davantage. «C'est un nouvel axe de recherche et d'enseignement que poursuit la Faculté de philosophie», se réjouit le professeur.
Les signataires de l'étude, publiée dans la Revue canadienne de science politique, sont Jérôme Gosselin-Tapp, Frédérique Jean, Sacha-Emmanuel Mossu et Léonard Bédard. Ensemble, ils ont présenté les conclusions de cette recherche au congrès Anthropocène(s) au Canada et développement durable: naviguer les voies de l'avenir, qui se tenait à la Queen's University de Belfast du 9 au 11 mai.