23 janvier 2024
Soixante-dix-neuf pour cent des Canadiens en faveur de l'usage thérapeutique de la psilocybine chez les personnes en fin de vie
L'acceptabilité sociale de cette substance pour soulager la détresse existentielle est élevée tant au Québec que dans l'ensemble du Canada
Près de 4 Canadiens sur 5 estiment que le recours à la psilocybine, l'ingrédient actif des champignons hallucinogènes, est une approche médicale acceptable pour soulager la détresse existentielle chez les personnes souffrant d'une maladie grave et incurable. Voilà la principale conclusion d'une enquête en ligne menée auprès de 2800 personnes par une équipe de recherche dirigée par Michel Dorval, professeur à la Faculté de pharmacie de l'Université Laval et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
L'enquête visait principalement à mesurer le degré d'acceptabilité sociale de cette intervention lorsqu'elle est offerte par des professionnels de la santé. «Des études ont déjà montré que la psilocybine, combinée à la psychothérapie, produit des effets anxiolytiques et antidépresseurs rapides, robustes et durables chez des patients atteints de cancer avancé, rappelle le professeur Dorval. Cette substance peut entraîner des prises de conscience profondes qui peuvent amener le patient à considérer l'existence sous une autre perspective. Un traitement à la psilocybine, combiné à une psychothérapie, peut produire un soulagement allant jusqu'à six mois.»
Présentement, la loi canadienne interdit la production, la vente ou la possession de psilocybine. Depuis janvier 2022, un programme d'accès spécial permet toutefois d'obtenir une exemption de Santé Canada pour raisons médicales ou scientifiques. Un médecin peut faire une demande au nom d'un patient si la psychothérapie, les antidépresseurs ou les anxiolytiques ont échoué ou si l'état du patient nécessite une intervention urgente.
Les chercheurs ont sondé 1000 résidents du Québec et 1800 résidents de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique afin de connaître leur opinion sur un éventuel assouplissement des règles entourant l'usage médical de la psilocybine. L'analyse de leurs réponses, qui vient de paraître dans la revue Palliative Medicine, indique que 79% des répondants jugent acceptable le recours à la psilocybine pour soulager la détresse existentielle chez des personnes en fin de vie.
«On peut conclure que l'acceptabilité sociale de cette intervention est élevée dans la population canadienne, commente le professeur Dorval. Si l'on considère uniquement les répondants québécois, on arrive à un taux d'acceptabilité comparable à la moyenne canadienne.»
L'appui à la psilocybine est plus fort chez les répondants qui ont déjà été exposés aux soins palliatifs, que ce soit comme accompagnant, soignant ou patient. «Le fait d'avoir côtoyé des proches en fin de vie ou d'avoir été témoin de leur détresse pourrait expliquer cette ouverture à de nouvelles approches destinées à les aider à cette étape de leur vie», avance le chercheur.
L'appui est également plus grand chez les répondants qui ont déjà fait usage de psilocybine. «Il existe encore de nombreux préjugés à l'égard des substances psychédéliques, constate le professeur Dorval. La familiarité avec cette substance aide probablement à mieux en connaître les véritables effets ainsi que le potentiel thérapeutique.»
Michel Dorval et ses collaborateurs poursuivent leurs travaux sur la question. «Au printemps 2024, nous réunirons des professionnels de la santé, des représentants d'associations de patients, des gestionnaires et des experts impliqués dans l'accompagnement de personnes en fin de vie afin de réfléchir aux enjeux d'accès à la thérapie assistée par la psilocybine. Au terme de la rencontre, nous espérons être en mesure de formuler des recommandations qui favoriseront le recours sécuritaire, responsable et équitable à la psilocybine dans un cadre thérapeutique», souligne le professeur Dorval.
Cette étude a été réalisée dans le cadre des travaux de doctorat de Louis Plourde, de la Faculté de pharmacie de l'Université Laval. Des chercheurs de l'Université McGill, de l'Université de Montréal et de l'Université du Québec à Rimouski cosignent l'article paru dans Palliative Medicine.