La sociologue Marie-Christine Brault est souvent interrogée dans les médias. Ses travaux de recherche portent notamment sur le trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et la médicalisation durant l'enfance, des sujets d'actualité qui préoccupent énormément les parents et les autorités. La nouvelle professeure à l'Université Laval pourra approfondir son champ d'études avec la création de la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la sociologie historique de l'enfance et de la famille, annoncée le 5 décembre et dont elle est titulaire.
Le Québec est un cas particulier, explique-t-elle en entrevue à ULaval nouvelles. «En 2017, des pédiatres ont pris place dans la sphère publique pour dire: "Ça suffit! Qu'est-ce qui se passe?" Des chiffres étaient sortis et montraient que le Québec avait trois fois plus de prescriptions de psychostimulants pour traiter le TDAH que le reste du Canada. Cette bombe a déclenché une commission parlementaire. L'intérêt pour le TDAH a été mis de l'avant et n'a pas dérougi», dit la professeure au Département de sociologie, qui se spécialise sur ces questions depuis son doctorat.
La médicalisation de l'enfance, chez nous, se rapproche de la situation aux États-Unis, mentionne la sociologue. «On l'observe dans presque toutes les sociétés. Mais au Québec, on a choisi d'expliquer plusieurs symptômes par l'étiquette TDAH, c'est vraiment un diagnostic utilisé plus fréquemment qu'ailleurs», souligne la professeure qui a fait une étude comparative avec la Belgique flamande, où cette étiquette est très peu utilisée.
Voilà, selon elle, l'intérêt de travailler sur la sociologie historique de l'enfance et de la famille. Sa discipline «permet de prendre une distance d'un objet sur lequel on est tellement collé, d'aller regarder ce que l'on prend pour acquis et de dévoiler les inégalités sociales».
Des étudiants en renfort
Très reconnaissante envers la Fondation Antoine-Turmel, Marie-Christine Brault indique que la nouvelle Chaire lui donne la possibilité de travailler avec des étudiants. «Parce que toute seule, comme chercheuse, je n'y arrive pas. Les besoins sont grands», lance la professeure qui se réjouit d'amener un nouvel angle à la recherche «exceptionnelle» qui se fait déjà au sein de l'Université Laval sur la famille, l'enfance et la parentalité. Elle encouragera la relève à se pencher sur ces trois thèmes avec un regard sociologique.
«Il y a tellement d'injonctions, c'est-à-dire d'obligations à se conformer aux meilleures pratiques, qui incombent à la parentalité. C'est intéressant d'observer ce qu'est un bon parent en 2023 et comment ce rôle a évolué. J'aimerais que mes étudiants se penchent sur ces questions», donne-t-elle comme exemple.
La médicalisation de l'enfance entre dans la réflexion parentale, ajoute la professeure. «On est dans une société qui tolère peu le risque, qui veut identifier et prévenir les problèmes le plus tôt possible pour s'assurer que nos enfants se développent à leur plein potentiel, avec notamment le programme Agir tôt, mis en place par le gouvernement de la CAQ. C'est louable dans un sens, des enfants ont besoin d'aide, mais en même temps, on crée un climat vraiment anxiogène et alarmiste pour les parents dès qu'une petite difficulté survient. Les sociologues contribuent à éclairer ces phénomènes-là.»
La titulaire de la Chaire souhaite enfin développer plus de liens à l'international pour faire de nouvelles études comparatives. «Mon objectif est de dialoguer avec des gens d'ailleurs, pour apprendre en regardant ce qui se passe au-delà de nos frontières, mais aussi pour partager ce qui se fait ici.»
Plus de détails sur le lancement de la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la sociologie historique de l'enfance et de la famille dans le communiqué officiel