Cette fois-ci est la bonne. Après avoir été en nomination en 2017 pour son roman L'interrogatoire de Salim Belfakir, Alain Beaulieu remporte le Prix littéraire France-Québec 2023 pour Le refuge. Chaque année, cette récompense prestigieuse couronne le meilleur roman québécois et permet à l'auteur de bénéficier d'une tribune en France.
La Fédération France-Québec/francophonie a procédé à l'annonce officielle du lauréat le 25 novembre, à l'occasion du Salon du livre de Montréal. «Le prix est issu d'un vote en France. Une cinquantaine d'associations régionales ont lu les trois livres en nomination, ce qui représente environ 400 personnes chargées de déterminer le gagnant. Je suis à la fois heureux et surpris d'avoir été choisi», lance le principal intéressé.
Accompagné d'une bourse de 5000 euros, le prix permettra à Alain Beaulieu d'effectuer une tournée dans des librairies, bibliothèques, lycées et médiathèques en France, en avril 2024. «Les retombées d'un tel séjour sont difficiles à prévoir, dit-il. Ce prix a eu un gros retentissement pour certains auteurs, notamment Michel Jean avec Kukum. Pour ma part, j'aimerais que ça débouche sur une publication en France.»
Le refuge, paru en 2022 chez Druide, est l'histoire d'un couple de sexagénaires, Antoine et Marie, qui quitte la vie urbaine pour s'installer dans un chalet au milieu de la forêt, sans eau ni électricité. Un violent braquage nocturne viendra chambouler leur plan, les plongeant dans la consternation d'avoir tué un homme. Le drame est raconté tour à tour par les époux, qui se partagent la narration dans le roman.
L'œuvre ayant reçu son lot de critiques positives depuis sa sortie, Alain Beaulieu explique ce succès par la forme du récit. «C'est un livre qui mélange plusieurs genres. Sans être un roman policier, il y a une histoire de meurtre avec une enquête. Chaque chapitre débute avec une citation d'un auteur, qui permet au lecteur d'approfondir sa réflexion sur la littérature. Aussi, je pense que les gens s'identifient aux personnages d'Antoine et Marie; on a tous commis des actes que l'on regrette et avec lesquels on ne sait pas trop comment négocier.»
La nature, qui prend une place prépondérante dans le récit, a sans doute joué un rôle dans la décision du jury en France, ajoute-t-il. «Le refuge n'est pas un roman du terroir, du genre “ma cabane au Canada”. Il n'empêche que pour le lectorat français, le lieu où se déroule l'histoire a peut-être une certaine forme d'exotisme, avec ce shack perdu dans la forêt. Le roman, toutefois, est très moderne dans ce qu'il raconte et les réflexions qu'il apporte.»
Un nouveau roman fraîchement publié
En plus de l'annonce du Prix France-Québec, Alain Beaulieu était au Salon du livre de Montréal pour faire la promotion de son plus récent roman, Solène en trois actes.
L'œuvre, décrite comme un «triptyque temporel aux allures de kaléidoscope», nous transporte à Joliette, Portneuf et Montréal. De courts chapitres donnent la parole à un narrateur à trois époques de sa vie: son adolescence, alors qu'il fait la rencontre de Solène, une serveuse au caractère bien trempé, sa quarantaine, au cours de laquelle il voit sa relation avec elle prendre une tournure inattendue et, enfin, sa cinquantaine, alors qu'il revoit les fantômes de son passé, perdu dans les brumes d'une anesthésie opératoire.
À travers le récit poignant de cette vie remplie de rebondissements, Alain Beaulieu aborde des thèmes comme la monoparentalité, la filiation, le temps qui passe et le retour à la terre. Comme il l'a fait dans Le refuge et d'autres romans, il saupoudre l'histoire de réflexions sur le milieu littéraire.
Dans ce livre, Alain Beaulieu prend un plaisir évident à jouer avec la structure du récit, les trois époques de la vie du narrateur n'étant pas présentées de façon chronologique. «La forme un peu éclatée du roman n'était pas planifiée, admet-il. J'ai commencé l'écriture avec cette scène d'un personnage en proie à un délire sur une table d'opération. En arrivant au deuxième chapitre, où je revenais sur son passé, j'ai compris que l'histoire allait se dérouler en trois périodes. C'est devenu un jeu temporel qui me permettait de me servir de ces trois temps de manière imbriquée. Pour comprendre ce qui se passe dans le deuxième acte, le lecteur doit savoir ce qui s'est passé dans le premier acte, qui est l'action vécue par le personnage plus tard dans sa vie.»
Solène en trois actes est le 17e roman d'Alain Beaulieu en presque autant d'années. À voir ce rythme de production effréné, on ne s'étonnera pas qu'il prépare deux livres pour 2024. Cette fois, l'auteur se tourne vers la littérature jeunesse, un genre qu'il avait exploré en 2002 avec Le solo d'André, un roman qui est encore lu dans les écoles aujourd'hui, et avec la série Jade et Jonas, qui lui a valu le Prix littéraire Ville de Québec – Salon international du livre de Québec.