La dernière fois où l'auteur de ces lignes a interviewé Samuel Boudreault, c'était à Kangiqsualujjuaq, au Nunavik, où le professionnel de recherche se rend régulièrement pour les besoins des travaux de l'équipe Habiter le Nord québécois. La fois d'avant, c'était en 2012 à Diamalaye, au Sénégal, où il participait à un ambitieux projet de consultation en tant qu'étudiant en architecture.
Ce séjour, qui s'inscrivait dans le cadre de l'atelier Habitats et cultures, a marqué un jalon dans le parcours de celui qui allait devenir un insatiable curieux pour tout ce qui touche l'aménagement des milieux de vie. «Le Sénégal m'a sorti de ma zone de confort. Il m'a plongé dans un nouveau paradigme. Ça m'a ouvert les yeux. J'en suis venu à reconsidérer toutes sortes de facettes de ma profession.»
Avec une dizaine d'autres étudiants en architecture, Samuel Boudreault était au Sénégal pour étudier les enjeux d'un quartier construit sans réelle planification. «Chaque étudiant était responsable d'un thème de recherche, dit-il. Le mien était la poésie de l'espace. Il s'agit d'un thème philosophique et ouvert qui m'a forcé à étudier des éléments parfois invisibles à l'œil nu qui sont liés à l'acte de construire. Les traditions et la transmission de connaissances, mais aussi les aspects symboliques, l'animisme et la relation avec le non-humain – la roche, l'arbre, la rivière – jouent un rôle important en Afrique. Décortiquer ces éléments a enrichi ma vision du monde.»
Retour à son alma mater
Nourri par cette expérience à l'international, Samuel Boudreault a effectué une partie de son parcours universitaire en France. Diplôme et sceau d'architecte en poche, il a travaillé pendant deux ans dans une agence à Bordeaux.
Contre toute attente, le retour à son alma mater s'est fait par l'entremise d'une collègue connue à l'Institut national des sciences appliquées de Strasbourg. «Cette amie, Chloé Le Mouël, venait à Québec pour effectuer un projet de doctorat dans le Nord. C'est elle qui m'a dit que l'équipe de recherche cherchait un coordonnateur. C'est ce qui a motivé mon retour et m'a permis de retrouver ma famille à l'École d'architecture de l'Université Laval.»
Cette famille, ce sont les professeurs Myriam Blais, André Casault et Geneviève Vachon et de nombreux étudiants-chercheurs, qui ont façonné son approche de l'architecture et du design urbain.
C'est avec ARUC Tetauan, un partenariat de recherche consacré à l'habitat innu, qu'il s'est initié aux réalités des premiers peuples. Cette expérience à la fois riche et marquante l'a amené à devenir coordonnateur d'Habiter le Nord québécois. Cette équipe, financée par Sentinelle Nord, s'intéresse à l'habitat inuit. En collaboration avec de nombreux partenaires au Nunavik, elle travaille notamment sur un atlas d'idées, soit un guide pour concevoir des milieux de vie qui répondent aux besoins et aux aspirations des communautés locales.
Parmi ses milles et une responsabilités, Samuel Boudreault organise les séjours dans le Nord, contribue à des cours à l'École d'architecture et s'assure du bon déroulement des ateliers de design participatif et autres rencontres scientifiques. «Mon rôle, multifacette, a évolué dans le temps et s'est composé en fonction de mes forces. La démarche de recherche-action et de travail collaboratif d'Habiter le Nord apporte une dynamique d'échanges et de reconnaissance des savoirs et de l'expertise de tous les membres de l'équipe, qu'ils soient professeurs, étudiants, professionnels ou partenaires issus d'autres universités ou organisations autochtones», souligne le professionnel de recherche.
Sa priorité numéro un: entretenir des liens étroits avec les collaborateurs inuits. «Il me tient beaucoup à cœur de garder vivantes ces amitiés que nous avons développées avec la communauté. Avec la pandémie, nous avons rencontré des défis importants par rapport à l'isolement et la connexion Internet parfois déficiente au Nunavik. Le fait de ne pas pouvoir se rencontrer est venu complexifier nos efforts de mobilisation, mais on se débrouille toujours», dit celui qui est emballé de reprendre ces échanges en personne.
Pour Samuel Boudreault, tout projet interculturel, que ce soit au Nord ou au Sud, est une occasion d'apprentissage inédite. «Ce qui m'allume, c'est affiner ma compréhension de ce que ça signifie, vivre sur notre planète aujourd'hui. Nous sommes interdépendants. Les réalités d'une communauté dépassent ses enjeux régionaux. Partout sur la Terre, des gens sont à la recherche de qualité architecturale et urbaine qui enchante le quotidien et permet de s'adapter aux défis comme les changements climatiques ou l'hypermondialisation. Il faut être à l'écoute, partager nos visions et imaginer l'avenir ensemble», conclut-il.