5 octobre 2023
La révolution active: un ouvrage pour faire bouger les choses en santé
Le spécialiste de l'obésité et des maladies chroniques sociétales, Jean-Pierre Després, espère créer une mobilisation populaire qui fera comprendre aux élus l'importance de la prévention en santé
Après 37 années de recherche sur l'obésité et les maladies chroniques sociétales, et presque autant à plaider en faveur d'une approche préventive en santé, Jean-Pierre Després en a eu assez d'attendre après les gouvernements. Il a pris la plume pour appeler les citoyens à une mobilisation populaire qui, l'espère-t-il, fera enfin bouger les choses. «En publiant La révolution active, j'espère provoquer une révolution pacifique qui fera en sorte que le message de la prévention sera finalement entendu par les élus.»
Au Québec, plus d'un million de personnes vivent avec le diabète de type 2, rappelle le professeur du Département de kinésiologie de l'Université Laval, aussi directeur scientifique de Vitam – Centre de recherche en santé durable. «Plus de un million», répète-t-il, en insistant sur chaque syllabe pour bien faire saisir l'ampleur du problème. Le diabète de type 2 est le triste porte-étendard des maladies chroniques attribuables au mode de vie des sociétés caractérisées par la sédentarité et la mauvaise alimentation. Plusieurs autres maux de ce type lui emboîtent le pas: cancers, maladies cardiovasculaires, maladies respiratoires et certaines atteintes cognitives.
«Une proportion importante de ces maladies s'explique par des habitudes de vie modifiables, signale le professeur Després. Même si ça fait des années qu'on insiste sur l'importance de miser sur la prévention pour lutter contre ces maladies et pour éviter de frapper collectivement un mur, le Québec n'en fait pas plus qu'avant en matière de prévention. Notre système de santé reste dans le même paradigme: gérer la maladie en se concentrant sur l'organisation des services.»
À son arrivée à l'Université Laval, en 1986, Jean-Pierre Després a emprunté le parcours typique des jeunes professeurs. De subvention en subvention, de publication scientifique en publication scientifique, il s'est taillé une place enviable dans son domaine. Ce modèle a été bon pour lui. Le total des fonds de recherche qu'il a obtenus au fil de sa carrière se chiffre en millions et il a près de 800 publications à son actif. Mais, très tôt dans sa carrière, il a senti que quelque chose clochait.
«J'étais naïf. Je croyais qu'en faisant de la bonne recherche, ce savoir serait utilisé par les professionnels de la santé pour améliorer la santé de la population. Ça ne s'est pas produit. J'ai compris que pour changer les choses sur le terrain, je ne pouvais pas me contenter de parler à d'autres chercheurs et aux médecins. Il fallait parler à la population.»
C'est pour cette raison que, depuis le milieu des années 1990, il présente des conférences grand public pour faire connaître le fruit de ses travaux, notamment le rôle central de l'obésité viscérale dans les maladies chroniques sociétales. C'est aussi pour cette raison qu'il a signé une cinquantaine de chroniques dans le Journal de Québec entre novembre 2017 et février 2020. C'est également pour cette raison qu'il a présidé, en 2019, à la création de Vitam, un centre de recherche en santé durable qui donne une part active aux citoyens. Et c'est pour cette même raison qu'il publie aujourd’hui La révolution active.
«Après mes conférences, des gens me demandaient souvent s'il y avait un livre qu'ils pourraient consulter pour en savoir plus sur les sujets que j'avais abordés. La révolution active répond à ce besoin. C'est une boîte à outils qui aidera les gens à reprendre le contrôle de leur santé et à diminuer le risque de développer des maladies chroniques sociétales.»
À en juger par la popularité des régimes miracles et de médicaments comme Ozempic, qui promettent des pertes de poids spectaculaires sans effort ni privation, c'est plutôt à une révolution passive qu'aspire une bonne partie de la population. Jean-Pierre Després y voit une preuve additionnelle de la nécessité d'un ouvrage comme le sien pour remettre les pendules à l'heure.
«Il n'est pas question d'inciter les gens à mener une vie de moine tibétain ou à courir des marathons. Il faut que la vie soit belle et agréable. J'ai d'ailleurs pris soin d'éviter le ton moralisateur qu'adoptent trop souvent les spécialistes quand il est question d'habitudes de vie. Je veux faire comprendre aux lecteurs que chaque petit changement qu'ils apportent à leurs habitudes de vie peut avoir des retombées positives sur leur santé et qu'il n'est jamais trop tard pour commencer.»
Il y a déjà un moment que le professeur Després se promettait d'écrire ce livre. À l'aube de ses 65 ans, il n'est pas sourd au pas lourd du temps qui passe. «Le moment était venu. Cet ouvrage est un peu mon testament scientifique pour le grand public. Je tenais à ce qu'il soit publié en français. C'est une façon pour moi de redonner à ma communauté.»