Si l'on vous disait qu'il existe une intervention de quelques heures qui améliore de façon substantielle et durable la qualité des interactions que vous avez avec votre enfant, qui produit des effets positifs sur ses comportements et sur les vôtres, qui réduit votre stress parental et qui augmente votre sentiment de compétence comme parent, vous penseriez sans doute que c'est trop beau pour être vrai. Et pourtant, ce sont là les retombées d'une intervention appelée Triple P qui a été testée auprès d'environ 300 parents du Québec.
Les conclusions de ces travaux, dirigés par Marie-Hélène Gagné, de l'École de psychologie de l'Université Laval, viennent de paraître dans trois articles scientifiques publiés coup sur coup par Child Abuse & Neglect, Children and Youth Services Review et le Journal of Child and Family Studies.
Le programme Triple P – programme de parentalité positive – a été conçu en Australie à partir de données probantes émanant de recherches réalisées au fil de plusieurs décennies auprès d'enfants ayant des problèmes de comportement, rappelle la professeure Gagné. «Il vise à développer un style parental qui repose sur l'attention positive et chaleureuse envers l'enfant ainsi que sur l'éducation bienveillante. Le parent est invité à se mettre à la place de l'enfant pour tenter de comprendre ce qu'il vit lorsqu'une situation difficile se présente. Il doit ensuite le guider plutôt que de le dominer ou tenter de le contrôler. La réparation et la coopération remplacent les punitions, et tout cela dans un cadre qui n'est ni trop rigide ni trop permissif.»
Le programme Triple P est maintenant utilisé dans une trentaine de pays et la plupart des évaluations qui ont porté sur cette approche ont conclu à son efficacité, souligne la chercheuse. «Par contre, il est important d'en faire une évaluation à l'échelle locale pour déterminer si cette approche est meilleure que les services usuels offerts aux familles qui ont des enfants ayant des comportements problématiques.»
C'est à cette tâche que la professeure Gagné et ses collègues de l'UQAM, de l'UQO et de l'UQTR se sont attaquées en 2015. Les chercheuses ont recruté 384 parents qui avaient un enfant de moins de 13 ans et qui avaient adressé une demande d'aide dans deux CLSC participants, l'un à Québec et l'autre à Montréal. Ces CLSC étaient situés dans des secteurs caractérisés par un haut taux de signalements à la Direction de la protection de la jeunesse.
La plupart des participants (291) ont bénéficié d'une intervention Triple P alors que 91 parents ont profité des services usuels offerts à leur CLSC. Une partie des parents du groupe Triple P a eu droit à quatre séances de consultation individuelle avec un intervenant. Les autres parents ont participé à quatre rencontres de groupe de 120 minutes chacune auxquelles s'ajoutaient trois séances téléphoniques de suivi. Un petit groupe de parents a eu droit aux deux interventions.
Résultats? En résumé, les effets du programme Triple P surpassent nettement ceux produits par l'intervention usuelle offerte en CLSC. Les améliorations sont plus marquées au chapitre de la réduction des comportements problématiques de l'enfant ainsi que des interventions disciplinaires sur-réactives des parents ainsi que des punitions corporelles. Les analyses montrent aussi une augmentation du sentiment de compétence des parents et une diminution du stress parental. Tous ces effets positifs étaient encore présents lors du suivi qui a été effectué de deux à quatre années après l'intervention.
«Le programme Triple P n'est pas une panacée et il ne fera pas de chacun un parent parfait. Par contre, il produit des effets substantiels et durables qui peuvent aider les parents à mieux assumer leur rôle. Ultimement, ce sont les enfants qui sont les grands gagnants de cette intervention», résume la professeure Gagné.
«Nos travaux montrent qu'il existe des interventions efficaces pour soutenir les familles et pour prévenir certaines difficultés avant qu'elles dégénèrent jusqu'à aboutir à des situations de maltraitance envers les enfants. Nous sommes en mesure de les implanter avec succès dans notre système québécois, avec des résultats probants», conclut la professeure Gagné.