
— BAnQ Québec
Une silhouette éclairée par un feu de fourneau, affairée à marteler un fer à cheval sur une enclume. Voilà l'image typique du forgeron. Ceux qui pratiquaient le métier jouaient toutefois un rôle plus large dans leur communauté. «Il y a toute une partie méconnue, un côté social important. Ils ne faisaient pas juste frapper sur un morceau de fer avec un marteau», nuance Lélia Dekker.
Diplômée de la maîtrise en histoire à l'Université Laval, la coordonnatrice adjointe à la Fondation François-Lamy participera à une conférence sur la forge Asselin de l'île d'Orléans, le 9 août, au Musée de la civilisation. Cette institution de la paroisse Saint-François, tenue par trois générations de forgerons, a dévoilé ses secrets grâce à une importante collection de 670 objets.
Des outils, ce qui s'apparente à l'ancêtre des ciseaux à bois, une estampe avec les initiales de Joseph Asselin… La Fondation François-Lamy en a fait l'acquisition auprès du collectionneur montérégien Luc Émond, en 2021. L'identification de ces artefacts est en cours en vue d'une exposition.

— Fondation François-Lamy
Céline Bardet a, quant à elle, travaillé à documenter la collection Asselin dans le cadre de son stage de fin d'études du baccalauréat en sciences historiques et études patrimoniales à l'Université Laval. Fraîchement diplômée, elle partagera ses découvertes avec sa collègue lors de la conférence donnée aux Rendez-vous d'histoire de Québec.
«J'ai trouvé intéressant que ce soit une entreprise familiale. Souvent, les pères forgerons transmettaient leur savoir à leur fils. Ils pouvaient aussi prendre des apprentis», indique Céline Bardet.
Résister aux changements de l'industrialisation
David Asselin a ouvert sa forge à la fin du 19e siècle. Après son fils Joseph, son petit-fils Émile a poursuivi son œuvre jusque dans les années 1960 et a ensuite continué de forger de façon récréative. Beaucoup de forgerons se sont recyclés en mécaniciens ou en carrossiers après le début de l'industrialisation et l'apparition d'appareils mécaniques comme les tracteurs, mentionne Céline Bardet, qui travaille aux communications et à l'accueil de la Fondation François-Lamy. «Si on avait besoin d'un outil pour l'agriculture, on n'avait plus qu'à l'acheter.»
Mais Émile a maintenu le cap de la tradition et résisté aux changements, a-t-elle découvert, notamment à travers une entrevue avec son fils et un livre qui lui est consacré. «Il dépannait les voisins, réparait leurs outils. Il a également eu un kiosque de démonstration où il faisait des souvenirs pour les touristes. Ce qui a maintenu la forge en activité.»
Les recherches plus larges de Céline Bardet sur ce métier ont permis de mieux comprendre l'importance des forges en milieu rural, poursuit Lélia Dekker. Les gens s'y retrouvaient pour jaser, pour blaguer, dépeint-elle. «Mais le rôle social des forges dépendait beaucoup des forgerons. Émile Asselin, le dernier de sa lignée dans cette profession, était quelqu'un d'assez introverti. Il y avait donc moins de rassemblements sociaux dans la forge de Saint-François que dans celles qu'on retrouvait ailleurs au Québec.»
Ce témoignage d'une profession perdue à travers une famille est précieux, estime Lélia Dekker. «Il n'y a pas beaucoup d'études sur le sujet. Les dernières datent des années 1970-1980. On voulait attirer l'attention sur ce métier traditionnel.» Elle rappelle que la collection Asselin fait partie du patrimoine de l'île d'Orléans, que la Fondation François-Lamy a pour mission de préserver et de mettre en valeur.
Avant l'industrialisation, dit-elle, on comptait environ un forgeron par paroisse à l'île, qui en compte six. Ne subsiste aujourd'hui que la Forge à Pique-Assaut, ouverte en été pour les touristes.
La sixième édition des Rendez-vous d'histoire de Québec se déroulera du 9 au 13 août, avec au menu conférences, visites, ciné-conférences, entretiens, cafés historiques et spectacles multidisciplinaires sur divers thèmes, certains animés par des historiens et experts issus de l'Université Laval.
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