Connaissez-vous l'Institut canadien de Québec (ICQ)? En plus d'être le gestionnaire du réseau de bibliothèques de la Ville de Québec, cet organisme à but non lucratif administre la Maison de la littérature, organise le festival Québec en toutes lettres et gère la désignation de Québec comme ville de littérature UNESCO. Jouissant actuellement d'une belle vitalité, l'ICQ a toutefois connu des hauts et des bas au cours d'une longue histoire intimement liée à la politique et à la vie sociale et culturelle de la ville et de la province.
C'est sa fascinante saga que le professeur Jonathan Livernois vous invite à découvrir lors d'une conférence-spectacle multimédia présentée dans le cadre des Rendez-vous d'histoire de Québec.
«Il y a un peu plus de deux ans, l'ICQ m'a contacté pour que, avec mes étudiantes et étudiants, je fouille ses archives afin de retracer l'histoire de l'institution. Nous avons déposé un rapport à l'été 2022, à partir duquel l'équipe de l'ICQ a pu tirer de la matière pour diverses activités entourant les célébrations de son 175e anniversaire, notamment une exposition. Depuis, l'ICQ m'invite parfois à raconter et à commenter l'histoire de la société dans des conférences et des vidéos», explique Jonathan Livernois, professeur au Département de littérature, théâtre et cinéma.
Au cours de sa conférence, le professeur Livernois mettra en lumière les principaux événements ayant marqué l'ICQ et dévoilera une série d'anecdotes savoureuses. «Je parlerai, entre autres, de certains membres de la société et des personnes qui y ont été refusées. Je parlerai également des problèmes de financement, des problèmes de locaux, des déménagements et des premières femmes embauchées», confie-t-il.
Toutefois, de manière générale, Jonathan Livernois admet qu’il n’a pas tendance à s’attacher aux petits événements. Spécialiste de l’histoire littéraire et intellectuelle des 19e et 20e siècles québécois, il poursuit surtout des travaux qui mettent en lumière les déplacements des frontières du champ littéraire, notamment avec le champ politique. Malgré tout, l’ICQ reste un terreau intéressant pour lui. Lieu de rencontre entre artistes, intellectuels et politiciens, entre penseurs libéraux et conservateurs, l’organisme a dû, au fil des époques, se frayer un chemin entre censure et volonté de s’ouvrir sur le monde. Son cheminement permet donc une belle incursion dans l’histoire des courants idéologiques au Québec.
«De manière générale, dans mes recherches, je m’intéresse aux grands courants d’idées. Je traiterai donc aussi des liens entre l’Institut et ces grands courants. Par exemple, pourquoi cette société a-t-elle été créée? Comment? Dans quel contexte? Dans la conférence, je la comparerai avec l’Institut canadien de Montréal, fondé 4 ans auparavant. Alors que la société fondée à Montréal est plus libérale, plus féroce dans ses attaques contre le clergé, plus ouverte aux principes de liberté de pensée et de liberté religieuse, celle de Québec demeure plus sage, voire conservatrice», révèle-t-il.
Pour devenir un peuple «avec» une histoire et une littérature
Pourquoi l’Institut canadien de Québec est-il né? Après la publication du rapport Durham qui proclamait l’absence de culture canadienne française, l’Acte d’Union entre en vigueur en 1840 dans le but d’assimiler la population canadienne française. En signe de résistance, de jeunes bourgeois intellectuels fondent en 1848 l’Institut canadien de Québec, qui se veut une riposte culturelle pour assurer la survie du fait français et développer une littérature nationale. Parmi ces jeunes intellectuels figurent des noms qui ont traversé le temps, comme François-Xavier Garneau, Octave Crémazie et Pierre-Joseph-Olivier Chauveau.
«Au départ, l’ICQ réunit surtout de jeunes hommes, souvent trop jeunes pour avoir participé aux rébellions de 1837-1838. Ils veulent participer à la lutte à leur façon. Toutefois, la jeunesse qui a été à la base de l’Institut l’a ensuite délaissé. Les forces de renouveau qui auraient pu lui insuffler un second souffle se font rares et, au fil du temps, l’ICQ devient plus conservateur et souffre, par moments, d’un certain manque d’éclat», raconte le chercheur.
En 1897, la Ville de Québec charge l'ICQ de l'administration de sa bibliothèque publique. «Certains disent que c'est la première bibliothèque municipale francophone au Québec. Ça dépend des critères qu'on adopte. Mais c'est certainement l'une des premières», souligne le professeur Livernois.
Outre son rôle majeur dans le développement de la bibliothéconomie à Québec, l'ICQ a aussi, au cours de sa longue histoire, animé la scène culturelle en organisant quantité de conférences et de spectacles. En plus des poètes et écrivains d'ici, il a reçu des auteurs étrangers comme Marguerite Yourcenar, Paul Claudel, Antoine de Saint-Exupéry et Simone de Beauvoir.
Des boîtes à déballer
La direction artistique de la conférence-spectacle a été confiée à Nicolas Jobin, artiste multidisciplinaire de Québec. Intitulé «Déballer l'ICQ: 175 ans d'histoire… et de boîtes!», l'événement réunit sur scène le professeur Livernois, des comédiens et des musiciens pour célébrer la longévité du plus vieil organisme culturel francophone encore actif en Amérique.
«On voulait ajouter du faste à une conférence plus conventionnelle. Il y a donc tout un dispositif scénique qui vient agrémenter les propos de Jonathan Livernois. Sur scène seront présentes de nombreuses boîtes, comme si ces boîtes avaient été égarées lors des 10, voire 12 déménagements de l'Institut si on compte le dernier déménagement temporaire, le temps de rénover la bibliothèque Gabrielle-Roy. Ces boîtes formeront également une ligne d'horizon qui permettront un ancrage géographique dans la ville de Québec. Une évoquera l'ancien parlement au parc Montmorency, une autre l'hôtel de ville, une autre le temple Wesley, et ainsi de suite pour les autres lieux qui ont accueilli l'Institut canadien de Québec. Ces boîtes seront aussi porteuses d'artefacts et de projections 3D», explique le directeur artistique du spectacle.
«L’idée, ajoute-t-il, c’est de donner une couche de sens supplémentaire à la conférence, d’offrir un deuxième niveau de lecture. Il y aura des interactions entre les artistes et le conférencier. Pour l’occasion, Jonathan Livernois deviendra un peu comédien, et les comédiens un peu historiens. Nous voulons créer la rencontre entre deux mondes, deux disciplines.»
Cette conférence-spectacle inédite sera présentée le jeudi 10 août, à 19h, à la Maison de la littérature. Pour y assister, une réservation est requise.
Les recherches effectuées par l'équipe supervisée par Jonathan Livernois ont contribué à enrichir le contenu historique de plusieurs activités et événements liés au 175e anniversaire de l'ICQ. Pour en connaître un peu plus sur le sujet, vous pouvez visiter le site de l'organisme. Pour découvrir plus en profondeur l'histoire derrière l'ICQ, vous pouvez également visionner le documentaire, produit par la Ville de Québec, dans lequel le professeur Livernois livre plusieurs informations historiques.
Les Rendez-vous d'histoire de Québec
La sixième édition des Rendez-vous d'histoire de Québec se déroulera du 9 au 13 août, avec au menu conférences, visites, ciné-conférences, entretiens, cafés historiques et spectacles multidisciplinaires sur divers thèmes, certains animés par des historiens et experts issus de l'Université Laval.
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