Des terrains vagues aux feux de forêt, de la relation habitants-voyageurs à l’expérience du deuil, des espèces aviaires en danger aux toiles de Jean-Paul Lemieux: les projets réalisés au cours des deux dernières sessions par plus de 80 finissantes et finissants de la maîtrise professionnelle en architecture en mettront plein la vue aux visiteurs qui se rendront, le vendredi 31 mai, au vernissage de leur exposition de fin d'études, présentée à l’École d’architecture de l’Université Laval.
Pour un soir, les étudiantes et les étudiants offriront une exposition à leur image dans ce qui sera la consécration de cinq années d’études ayant commencé au baccalauréat. Depuis le mois de septembre 2023, une équipe d’enseignants encadrait ces finissantes et ces finissants par petites unités. Le professeur Samuel Bernier-Lavigne, fondateur du FabLab et directeur du xFab – recherches numériques, a codirigé, avec le professeur adjoint Sébastien Bourbonnais, la chargée d’enseignement Ariane Ouellet-Pelletier et le professeur invité Daniel Zamarbide, une unité composée de 12 étudiantes et étudiants.
«L’essai-projet de chacun des finissants, dit-il, se veut une réflexion théorique et critique sur différents aspects de l’architecture. Certains s’alignent avec la pratique actuelle de l’architecture en tentant de répondre à une problématique concrète. D’autres projets explorent des voies un peu plus divergentes en posant des questions avant-gardistes. Certains vont même dans la spéculation, à la recherche d’une architecture autre.»
Selon le professeur, l’essai-projet de fin de maîtrise représente un très bon moment pour essayer de comprendre qui l'on est comme concepteur architectural. «Cet exercice, ajoute-t-il, représente vraiment la personne.»
Les étudiantes et les étudiants, Samuel Bernier-Lavigne les trouve «extrêmement allumés», tant du point de vue de l’École d’architecture que du point de vue sociétal. «Ils sont très à l’écoute de ce qui va se passer en dehors des murs de l’École, explique-t-il. Cela percole dans leurs projets. On sent qu’ils sont interpellés par les questions sociétales importantes et qu’ils font beaucoup d’efforts pour intégrer ça dans leur processus créatif d’architectes. Je pense qu’ils vont devenir des agents de changement extrêmement importants dans un futur rapproché. C’est un grand plaisir de travailler avec des étudiants comme eux.»
L’impression 3D en argile
Dans son projet intitulé Les pensines des terrains vagues, Alexina Godbout réfléchit sur ce que pourrait amener l’impression 3D en argile. «Ce projet est très exploratoire, soutient le professeur Bernier-Lavigne. On voit émerger plein de nouveaux matériaux et l’étudiante a choisi l’argile pour son projet, dans lequel elle a utilisé énormément de technologies. Elle est allée chercher des informations dans des terrains vagues à Québec. Avec des caméras, elle a essayé de retirer des informations de ces territoires laissés pour compte ou inexplorés. Dans son processus, l’étudiante est passée de l’environnement physique aux nuages de points, des nuages de points à la surface, et de la surface à l’impression physique grâce à l’impression 3D en argile.»
Dans son projet Recalibrage, Étienne Bourgeois s’est penché sur une question urgente: la relation de l’humain aux changements climatiques. Selon le professeur, il s’agit d’un très bon projet dans lequel l’étudiant pose énormément de questions sur la société et sur notre rapport au territoire sous l’angle de ce que sera la cabane à sucre de demain. «C’est déstabilisant comme approche, dit-il. Il va y avoir une migration des érables qui vont monter vers le nord, graduellement, pendant les 50 à 100 prochaines années. L’étudiant essaie de planifier avec les nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle, ce qu’on pourrait trouver dans une cabane à sucre du futur à l’architecture repensée. Il propose d’utiliser la cabane 12 mois par année.»
Une sensibilité aux paysages
Les étudiantes et les étudiants ont montré beaucoup de sensibilité propre aux paysages. L’un d’eux, Samuel Tourigny, s’est penché sur la recherche pour la préservation d’espèces aviaires en danger dans le parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie. Dans le centre de recherche qu’il a imaginé, en repensant l’interaction des humains avec la nature, il met toutes les entités, humaines et non humaines, sur un pied d’égalité, tout en reconnaissant leur différence ontologique. Dans cette vision écocentrique, chaque individu et sa biodiversité sont valorisés. La structure même du centre de recherche reflète cette philosophie de non-hiérarchie: les laboratoires, dortoirs et observatoires sont conçus comme un puzzle tridimensionnel.
Rose-Marie Guévin propose un nouvel accès pour le Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale. Elle développe une hypothèse d’espace judiciaire réfléchi de manière plus sensible et adapté aux personnes victimes qui viennent y témoigner. L’idée est de changer la mise en scène de la grandeur, de la lourdeur, de la froideur et de l’opacité de la justice pour exprimer une échelle plus humaine avec des espaces légers et confortables, une atmosphère domestique et des matérialités chaleureuses.
Quant à Geneviève Bacque, son essai-projet se veut un éloge des paysages de l’artiste-peintre Jean-Paul Lemieux et à son univers créatif. Celui-ci a résidé à l’Isle-aux-Coudres à compter de 1967. Il est décédé en 1990. L’étudiante a imaginé une architecture qui se veut un espace commémoratif du passage de l’artiste sur l’île. Un bâtiment principal vient accueillir une salle d’exposition. Ensuite, dans un bâti externe, plus intime en bordure d’un étang, se trouve un espace consacré à la création.
L’École d’architecture est située au 1, Côte de la Fabrique, dans le Vieux-Québec. Les heures d’ouverture de l’exposition sont de 19h à 22h.