Les propriétés anti-inflammatoires des oméga-3 ne suffisent pas à prévenir ou à atténuer une maladie respiratoire qui affecte presque la moitié des très grands prématurés. Une nouvelle démonstration à cet effet vient d'être publiée dans le JAMA Network Open par une équipe dirigée par Isabelle Marc, professeure à la Faculté de médecine de l'Université Laval et chercheuse au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
Plus de 40% des enfants nés avant la 29e semaine de grossesse développent une maladie pulmonaire chronique ayant une composante inflammatoire, la dysplasie broncho-pulmonaire. Cette maladie entraîne d'importantes difficultés respiratoires qui nécessitent une oxygénation ou une ventilation pouvant durer plusieurs semaines. La maladie augmente de façon significative le risque à long terme de complications neurodéveloppementales, de séquelles respiratoires et de mortalité.
Plusieurs études fondamentales et observationnelles suggéraient qu'une supplémentation en oméga-3 à forte dose pouvait aider les enfants prématurés atteints de cette maladie, alors que d'autres études ont conclu qu'elle avait des effets délétères. Pour tenter d'y voir plus clair, la professeure Marc et ses collaborateurs ont réalisé une méta-analyse de 4 études cliniques randomisées portant sur un total de 2304 enfants qui avaient reçu une supplémentation en oméga-3 par voie orale dès les premiers jours suivant leur naissance.
Leur constat? Cette supplémentation ne réduit pas l'incidence de dysplasie broncho-pulmonaire ni le taux de mortalité des enfants. Elle pourrait même l'augmenter, suggèrent deux des études examinées. «À la lumière des connaissances actuelles, la supplémentation en oméga-3 à forte dose ne devrait pas être recommandée pour prévenir la dysplasie broncho-pulmonaire chez les très grands prématurés», conclut Isabelle Marc.
Ce constat vient assombrir les espoirs placés dans la supplémentation en oméga-3 pour favoriser le développement des grands prématurés. «Des études australiennes ont montré que cette intervention favorisait le neurodéveloppement et le développement du langage chez ces enfants. Il existe peut-être un dosage optimal qui permet de profiter des effets positifs des oméga-3 sans accroître le risque de dysplasie broncho-pulmonaire, avance la professeure Marc. La médecine a fait de grands progrès du côté de la prise en charge des grands prématurés, mais il reste beaucoup à faire pour mieux répondre à leurs besoins nutritionnels.»
La professeure Marc, qui est aussi pédiatre, y va d'un conseil prudent destiné aux mères de grands prématurés. «Le mieux qu'elles puissent faire consiste à adopter une alimentation équilibrée, incluant des poissons riches en oméga-3. Les besoins nutritionnels des grands prématurés sont si élevés que le lait maternel ne suffit pas. Il faut enrichir le lait tiré par la mère avant de le donner à l'enfant via un tube. Des fortifiants, par exemple des protéines, des lipides, des minéraux et des vitamines, sont aussi fournis au bébé selon ses besoins. Les meilleures approches nutritionnelles pour ces enfants sont encore à définir.»