Il s'agit du berceau de l'Amérique française, là où Samuel de Champlain a fondé Québec en 1608. Chaque année, des milliers de touristes prennent d'assaut Place-Royale pour s'imprégner de l'esprit de la Nouvelle-France et s'émerveiller devant l'architecture de tous ces bâtiments historiques.
Ce que plusieurs ignorent, c'est que le visage de Place-Royale a été fortement modifié depuis cette époque. «D'importants travaux ont été réalisés, particulièrement dans les années 1970. Des erreurs ont été commises, d'autres interventions sont plus réussies. Les restaurations ont impliqués différents intervenants, qui ont malheureusement travaillé en silo, en plus du regard émotionnel et subjectif porté sur le site», constate Luiza Santos.
Cette stagiaire en architecture fait mentir la croyance voulant que la relève ne s'intéresse qu'aux nouvelles constructions et à l'architecture contemporaine. Sa passion du patrimoine bâti, elle l'a développée dans un atelier à l'École d'architecture avec le professeur François Dufaux. Le sujet à l'étude: la morphogenèse de Place-Royale.
«Dans le cadre du projet d'atelier, je me suis intéressée aux sous-sols et aux fondations des bâtiments, ce qui m'a amené à me poser plusieurs questions. Pourquoi Place-Royale possède-t-il un dénivelé? Pourquoi certaines voûtes ont des soupiraux qui ne sont pas visibles quand on se promène sur le site? J'ai voulu comprendre ce qui s'est passé», explique celle qui a poursuivi ses recherches à la maîtrise sous la direction du professeur Dufaux.
En comparant les plans cadastraux, Luiza Santos a constaté une tendance à fusionner les propriétés. «Par désir de créer un hôtel ou d'installer des bureaux, on a fragmenté les maisons en perçant les murs coupe-feu. De l'extérieur, on voit plusieurs petites unités de bâti, alors qu'à l'intérieur, tout est relié et appartient à un seul propriétaire.»
Par ailleurs, Luiza Santos se désole que les voûtes de pierres ne soient pas mises en valeur. «Les voûtes, c'est l'élément architectural le plus authentique de toutes ces maisons, car elles datent de l'époque coloniale. Malheureusement, les étages ne communiquent pas avec ce que l'on retrouve en sous-sol. Les voûtes ne sont pas exploitées à leur plein potentiel, ni accessibles à la population.»
Une recherche qui suscite de l'intérêt
De Rome à Glasgow, en passant par Bologne et plusieurs autres villes, Luiza Santos a présenté ses résultats de recherche dans des congrès et événements internationaux consacrés à la morphologie urbaine. Son projet, qui a reçu le prix Martin-Eli-Weil de la Société pour l'étude de l'architecture au Canada, fera aussi l'objet d'un ouvrage à paraître aux Presses de l'Université Laval.
«Chaque fois que je présente le projet de recherche, les gens sont surpris de constater à quel point les bâtiments de Place-Royale ne sont pas d'origine et comment cet ensemble bâti a été travaillé dans le temps. Mon but n'est pas de choquer; mes projets de diffusion visent à communiquer mes résultats et poursuivre le dialogue. Ils sont orientés autour de cette question: que fait-on avec notre patrimoine pour demain, sachant que les bâtiments ont un cycle de vie et qu'il faudra y intervenir?»
Pour Luiza Santos, Place-Royale regorge de potentiel, malgré les «erreurs du passé». «Pour un professionnel en architecture, il est rarement trop tard. Il suffit qu'il y ait des décideurs intéressés par le respect de l'histoire, la compréhension du passé et la transposition dans le concept du projet. Ça prend aussi un client ouvert à léguer ce patrimoine aux générations futures et à le faire rayonner. L'architecte est habitué de travailler avec les couches du passé. Personnellement, je crois en la possibilité d'adapter le patrimoine aux contraintes et aux besoins d'aujourd'hui», conclut-elle.