Au Canada, à peine 22% des cardiologues sont des femmes. Cette sous-représentation – l'une des plus marquées parmi toutes les spécialités médicales – ne semble pas s'arranger chez les plus jeunes puisqu'à peine 30% de tous les résidents en cardiologie en 2021 étaient des femmes. Et ce déséquilibre est encore plus marqué en cardiologie interventionnelle, une surspécialité qui nécessite des études encore plus longues.
Afin de mieux comprendre ce que cachent ces statistiques, une équipe de recherche a mené, en mars 2021, une enquête auprès des 206 personnes inscrites dans un programme de résidence en cardiologie générale au Canada. Ces personnes étaient invitées à s'exprimer sur les éléments qu'elles percevaient comme des barrières au choix de la cardiologie interventionnelle comme surspécialité.
Grâce aux réponses fournies par 40% des personnes contactées, les auteures de l'étude ont isolé deux facteurs clés qui distinguaient les femmes et les hommes. Le premier, la conciliation travail-famille, qui était vue comme une barrière par 76% des répondantes et par 55% des répondants. Le second, la perception que ce milieu est sexiste, relevée par 41% des répondantes et par… 0% des répondants, peut-on lire dans l'étude publiée par cette équipe dans le Canadian Journal of Cardiology.
«La conciliation travail-famille est une préoccupation qui touche toutes les spécialités médicales», souligne l'une des auteures de l'étude, Joëlle Morin, cardiologue à l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec et professeure de la Faculté de médecine de l'Université Laval. «Le problème est peut-être plus présent en cardiologie parce que la formation dure deux ans de plus que dans la plupart des spécialités médicales. En plus, les centres hospitaliers des grandes villes demandent une surspécialité qui exige deux années supplémentaires, ce qui repousse d'autant les projets de famille.»
Le travail en cardiologie impose aussi des exigences élevées, poursuit-elle. «La charge de travail et les horaires des cardiologues et des cardiologues interventionnistes sont particulièrement exigeants. Lorsqu'une personne est victime d'un infarctus, qu'elle est en état de choc ou qu'il faut la réanimer, on ne peut pas attendre. Il faut la traiter immédiatement. Nous sommes dans l'urgence et ça ne se planifie pas.»
Pour ce qui est du sexisme perçu par une partie des répondantes, la professeure Morin estime que l'absence de modèle féminin pourrait être en cause. «Dans la région de Québec, par exemple, il n'y a aucune femme en cardiologie interventionnelle. À ma connaissance, aucune résidente n'a jamais choisi cette surspécialité, souligne celle qui occupait jusqu'à tout récemment le poste de directrice du programme de cardiologie à l'Université Laval. Cette absence de modèle féminin peut donner l'impression que le milieu est sexiste.»
Il n'y a pas de solutions simples pour corriger le déséquilibre femme-homme en cardiologie, reconnaît la professeure Morin. «Il y a toujours plus de connaissances à acquérir et il faut trouver de meilleures façons de les transmettre sans prolonger la durée de la formation. Une partie de la solution pourrait aussi venir des jeunes hommes qui choisissent la cardiologie, mais qui tiennent à être présents pour leur famille. Ils pourraient contribuer à faire évoluer l'organisation du travail et à rendre la profession plus conciliable avec une vie familiale.»