Au cours des dernières années, le lobbying mené auprès du gouvernement canadien dans le domaine de l'alimentation a été l'affaire de personnes qui agissaient, dans près de 9 cas sur 10, pour le compte de l'industrie alimentaire. Les positions des organisations et des fondations préoccupées par les questions de saine alimentation sont donc peu véhiculées par ce canal. C'est ce qui se dégage d'une étude publiée dans la revue Globalization and Health par cinq chercheuses canadiennes, dont Alexa Gaucher-Holm et Lana Vanderlee, de l'École de nutrition de l'Université Laval.
Les chercheuses arrivent à ces constats après avoir analysé des données compilées dans le Registre des lobbyistes du Canada pour la période allant de septembre 2016 à janvier 2021. Elles ont concentré leur attention sur les activités de lobbying liées à la Stratégie canadienne en matière de saine alimentation.
Leurs analyses indiquent qu'un total de 170 lobbyistes représentant 48 entreprises ou organisations se sont inscrits au registre. Dans 88% des cas, les lobbyistes agissaient au nom d'entreprises ou d'organisations qui avaient des liens avec l'industrie alimentaire ou les entreprises de marketing.
Les organisations sans lien avec l'industrie font figure de parents pauvres en matière de lobbying. À peine 12% des lobbyistes interviennent en leur nom auprès des fonctionnaires et des élus.
Pendant la période étudiée, les interventions de lobbyistes visaient principalement la mise en marché des produits auprès des enfants (60%), le Guide alimentaire canadien (48%) et l'affichage des informations nutritionnelles sur le devant des emballages (44%).
«Le nombre de personnes en lien avec l'industrie qui sont inscrites au Registre des lobbyistes du Canada, combiné au nombre de communications qu'elles ont eues avec des fonctionnaires et des élus de tous les niveaux, procure un avantage stratégique à l'industrie pour faire entendre sa voix. Il faudrait trouver des façons pour que les organisations qui n'ont pas de lien avec l'industrie puissent faire valoir leurs points de vue auprès des personnes responsables d'élaborer les lois et règlements en matière de nutrition au Canada, estime Lana Vanderlee. Présentement, il y a un déséquilibre et, dans l'intérêt public, il faudrait le corriger.»
L'étude publiée dans Globalization and Health est signée par Alexa Gaucher-Holm et Lana Vanderlee, de l'Université Laval, Christine Mulligan et Mary R. Labbé, de l'Université de Toronto, et Monique Potvin Kent, de l'Université d'Ottawa.