Le NGCC Amundsen continuera de sillonner les mers de l'Arctique canadien à des fins de recherche. Le gouvernement du Canada vient d'accorder une somme de 54,8 M$ à l'Université Laval pour soutenir les opérations scientifiques du navire de 2023 à 2029.
«Ça va permettre six années de plus d'accès à l'Arctique, c'est ça qui est précieux!», se réjouit Marcel Babin, directeur scientifique du consortium universitaire Amundsen Science, entité qui gère le mandat de recherche du brise-glace depuis Québec. «Dans une période de changements climatiques intense, c'est l'une des contributions les plus importantes du Canada à la recherche sur ces questions d'actualité très importantes, sur les impacts sur l'environnement», salue-t-il en rappelant que l'Arctique canadien représente une grosse partie de l'Arctique global, la région la plus sensible aux variations climatiques.
Le 19 août, à Sudbury, François-Philippe Champagne, ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, octroyait 628 M$ pour soutenir 19 projets d'infrastructures de recherche au pays, dont le navire océanique.
Une belle reconnaissance
«C'est une rude compétition, parce que tous les autres projets sont en renouvellement, puis il y en a de nouveaux qui veulent entrer dans le club», lance Marcel Babin, reconnaissant et soulagé après de longues démarches, Amundsen Science ayant déposé un imposant dossier et répondu à un comité international à trois reprises.
Pour la rectrice de l'Université Laval, Sophie D'Amours, cette aide financière représente «une reconnaissance très appréciée de l'importance des recherches menées à bord de l'Amundsen». «Elle encourage les efforts des chercheuses et des chercheurs pour comprendre l'évolution de l'océan Arctique et d'en anticiper les changements. Ainsi, les dirigeantes et dirigeants de chaque pays prendront des décisions plus éclairées pour protéger adéquatement cet environnement dont la bonne santé est essentielle à l'équilibre planétaire», poursuit-elle.
Assurer l'opération
Pour l'Amundsen, il s'agit du troisième cycle de cette subvention du Fonds des initiatives scientifiques majeures de la Fondation canadienne pour l'innovation. Non seulement le financement a été renouvelé, mais il a augmenté à la hauteur de ce qui a été demandé, ajoute Marcel Babin. «Il y a une montée en puissance de l'infrastructure qui est significative. Il y a plus de personnel, il y a plus d'équipement», précise le directeur scientifique.
Un peu plus de la moitié des 54,8 M$ permettra l'opération du navire lors des missions scientifiques, soit de payer le personnel de la Garde côtière, le carburant, les télécommunications, les vivres.
Une partie du montant servira à maintenir une équipe technique au service de la communauté de recherche. «On est en train de consolider une équipe de pointe avec des techniciens, des ingénieurs, des gens avec des niches très particulières en robotique marine, mouillages océanographiques, acoustique», précise Alexandre Forest, directeur exécutif d'Amundsen Science, en parlant d'une quinzaine de personnes, nombre qui a presque doublé depuis 2018.
La balance de la subvention aidera à entretenir le parc d'équipement scientifique existant, estimé à 45 M$, puis à assurer l'administration, la logistique et la coordination du seul navire canadien destiné à la recherche.
Le NGCC Amundsen consacre jusqu'à 150 jours par année à la recherche, selon l'entente avec la Garde côtière, le reste du temps étant dévolu aux activités habituelles de brise-glace. «Cet investissement va permettre d'utiliser toute la fenêtre à notre disposition», mentionne Alexandre Forest.
Moindre coût pour les chercheurs universitaires
Une autre retombée positive de ce soutien financier est une réduction des coûts facturés aux chercheurs universitaires et autochtones qui utilisent le navire. L'Amundsen est une infrastructure nationale ouverte à tous, rappelle par ailleurs Marcel Babin. Bien que l'Université Laval soit dépositaire de la subvention, l'aide est accordée à un consortium d'universités et elle est destinée à servir tous les chercheurs canadiens, puis aussi à accueillir éventuellement les chercheurs étrangers.
Depuis la mise en service de l'Amundsen il y a deux décennies, 125 équipes de 25 pays sont montées à bord. Elles ont déployé plus de 45 programmes scientifiques majeurs permettant à plus de 800 étudiants d'y mener leurs études.
Prochaine sortie: 8 septembre
Le NGCC Amundsen entamera le 8 septembre une mission scientifique de six semaines, après neuf mois en cale sèche et une mise à jour du système de navigation et de ses équipements par la Garde côtière. Il longera la côte du Labrador, puis se rendra dans le haut de l'Arctique, de la baie de Baffin à la polynie des eaux du Nord, au nord du passage du Nord-Ouest. Rappelons qu'à sa première mission en 2003, le navire a été renommé d'après l'explorateur polaire norvégien Roald Amundsen, premier à franchir le passage du Nord-Ouest par voie maritime.
«On a une batterie d'échantillonnages de toutes sortes à faire», indique Alexandre Forest au sujet de la recherche à venir. Des équipes s'intéressent aux glaciers, aux masses d'eau, au transfert de gaz carbonique et d'autres gaz entre l'atmosphère et l'océan.
Ces années-ci, les chercheurs se penchent aussi sur la biodiversité des habitats profonds, qui comptent des organismes uniques comme des coraux en eaux profondes ou des éponges. Ces environnements servent à la reproduction et à l'alimentation de mammifères marins. «Le Canada a pour objectif d'augmenter à 30% son pourcentage d'aires marines protégées pour 2030. Il y a donc beaucoup de recherche faite en amont pour documenter des régions susceptibles de le devenir», précise le directeur exécutif d'Amundsen Science.
Tout ce qui s'appelle contaminants dans l'environnement marin est aussi examiné, pensons au plastique, au mercure, aux hydrocarbures. Des équipes étudient leurs répercussions sur les populations humaines du Nord.
Même si l'on comprend mieux l'évolution de notre écosystème nordique, il y a encore beaucoup de travail à faire, plaide Marcel Babin.