Si vous avez fait des tests maison pour le dépistage de la COVID-19, vous avez sûrement constaté que les écouvillons, fioles, tubes et supports de tubes terminent leur vie utile dans la poubelle. Imaginez maintenant le volume de déchets générés par les laboratoires qui réalisent des analyses génomiques beaucoup plus sophistiquées sur des dizaines de milliers d'échantillons chaque année.
C'est cette préoccupation qui a poussé François Belzile et Davoud Torkamaneh, professeurs au Département de phytologie, et Brian Boyle, coordonnateur de la plateforme d'analyse génomique de l'Institut de biologie intégrative et des systèmes (IBIS) de l'Université Laval, à chercher des façons plus vertes de réaliser des analyses génomiques. Et la solution qu'ils ont trouvée donne des résultats spectaculaires: elle diminue de 90% le volume de déchets plastiques, tout en réduisant de 70% les coûts d'analyse.
La clé de ces améliorations? «Nous avons adapté une technologie existante de façon à pouvoir réaliser des analyses génomiques sur des échantillons de très petits volumes, explique le professeur Torkamaneh. De plus, grâce à ce procédé, il n'est plus nécessaire d'utiliser des embouts de pipettes lors des manipulations.»
Depuis une dizaine d'années, la plateforme de séquençage génomique de l'IBIS utilise une technologie appelée génotypage par séquençage (GBS). «L'IBIS est la principale installation à offrir ce service au Canada, précise le chercheur. Plusieurs dizaines d'équipes du Canada et de l'étranger y ont recours.»
En général, les analyses GBS sont réalisées sur des plaquettes de 96 puits accueillant autant de tubes dans lesquels sont placés le matériel génétique et les réactifs permettant de préparer les échantillons pour le séquençage.
«Comme cinq ou six produits sont ajoutés de façon séquentielle dans chaque tube et qu'il faut changer l'embout des pipettes chaque fois pour éviter la contamination, le volume de déchets plastiques augmente très rapidement», souligne Davoud Torkamaneh.
En 2017, alors qu'il participait à un congrès scientifique, le professeur Torkamaneh a eu vent d'une technologie utilisée en recherche pharmaceutique: l'éjection acoustique par gouttelettes. Ce procédé permet de générer, avec grande précision, de tout petits volumes de solutions. «Nous avons contacté l'entreprise américaine qui fabrique l'appareil d'éjection acoustique par gouttelettes, raconte le chercheur. Des représentants de la compagnie sont venus passer quelques jours à l'Université Laval et nous avons travaillé de concert pour adapter l'appareil à nos besoins.»
Pour évaluer l'efficacité de l'appareil issu de cette collaboration, les chercheurs ont effectué des analyses génomiques sur le soya. L'étude qu'ils ont publiée à ce sujet dans Frontiers in Genetics montre que la fiabilité et la précision du NanoGBS se comparent à celles du GBS conventionnel. «Le NanoGBS permet toutefois de travailler avec des volumes de solutions 10 fois plus petits. Nous utilisons donc moins de réactifs, et le transfert de solutions se fait sans embout de pipette», signale le professeur Torkamaneh.
Pour la plateforme de séquençage génomique de l'IBIS, qui traite entre 35 000 et 60 000 échantillons par année, la réduction obtenue est de l'ordre de 63 à 108 kilogrammes de produits plastiques jetables et de 52 à 90 kilogrammes de produits plastiques recyclables, précise-t-il.
L'autre avantage du NanoGBS est que cette technologie abaisse les coûts des analyses génomiques, poursuit le chercheur. «Dans le domaine de la santé humaine, on n'hésite pas à investir dans les analyses génomiques. Pour la recherche sur les plantes ou les animaux, les fonds sont plus rares et moins généreux. Le NanoGBS permet de faire davantage d'analyses avec les fonds à notre disposition. Nous avons d'ailleurs obtenu un soutien financier de Génome Canada pour améliorer notre technologie et pour l'adapter aux besoins des chercheurs de différents domaines.»