Il y a de ces livres difficiles à fermer une fois qu'on en a entamé la lecture. Le refuge, qui vient de paraître chez Druide, fait partie du lot. Ce roman d'Alain Beaulieu est empreint de suspense et de revirements, qu'on se plaît à découvrir d'une page à l'autre.
L'histoire est celle d'un couple de sexagénaires, Antoine et Marie, qui quitte la vie urbaine pour s'installer dans un chalet au milieu de la forêt. Un violent braquage nocturne viendra chambouler leur plan, les plongeant dans la consternation d'avoir tué un homme.
«Ce roman est en quelque sorte une extrapolation d'actions que l'on fait par impulsivité et que l'on regrette par la suite. Il pose la question: comment vit-on avec une image dégradée de soi-même et l'idée qu'on n'est pas irréprochable?», indique l'auteur, qui s'est inspiré pour le décor d'une cabane sans eau ni électricité achetée avec sa conjointe il y a quelques années.
Deux voix s'entrecroisent dans ce roman, celles des époux qui se partagent la narration pour raconter leur version du drame. «Dans un couple, chacun a sa personnalité qui teinte sa façon de réagir aux événements, rappelle Alain Beaulieu. Ce n'est pas parce que tu es solidaire et amoureux que tu penses de la même manière. C'est pourquoi je voyais mal Antoine parler au nom de Marie. Il fallait qu'elle intervienne pour rectifier les faits ou ajouter de l'information.»
Comme il l'a fait dans d'autres livres (on pense à Malek et moi et Le festin de Salomé, entre autres), Alain Beaulieu a insufflé un brin d'autofiction à son histoire, le personnage d'Antoine étant un écrivain et professeur en création littéraire récemment retraité. Ce choix narratif lui permet de partager des réflexions sur la littérature, l'enseignement et surtout la relation entre professeur et étudiants.
«La figure de l'écrivain est souvent présente dans mes livres, mais pas celle du professeur d'université. Je trouvais intéressant d'aborder la relation très particulière que l'on a avec nos étudiants, surtout ceux à la maîtrise et au doctorat que l'on côtoie quelques années et avec lesquels on développe un attachement. La démarche de création littéraire qui nous unit nous permet de parler de la vie, de l'existence humaine et d'autres sujets qui nous anime profondément.»
Alain Beaulieu compte plusieurs ouvrages chez Druide. Récemment, il a pris la relève de Normand de Bellefeuille, qui dirigeait la collection Écarts, pour lancer une nouvelle branche de la maison d'édition.
Dès l'automne, on pourra découvrir les deux premiers romans de la collection Alinéa. Quatre titres par année sont prévus. «La collection mise sur des romans réalistes avec une écriture particulière. Je suis ouvert autant aux nouvelles voix qu'aux auteurs établis. Je cherche avant tout des œuvres qui se démarquent», dit le nouveau directeur littéraire.
Former la relève
À la différence de son protagoniste dans Le refuge, Alain Beaulieu ne prendra pas sa retraite de l'enseignement de sitôt. Début février, il participait au lancement d'un nouveau programme à la Faculté des lettres et des sciences humaines, le diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) en création littéraire.
«Ce programme s'adresse aux étudiants qui ont une pratique d'écriture et veulent s'intégrer au milieu littéraire sur le plan professionnel. Il a été monté de façon à former les écrivains tout en les amenant à découvrir l'écologie de ce milieu, des maisons d'édition aux droits d'auteurs», indique Alain Beaulieu.
Outre des cours pratiques et théoriques, ce programme de 24 crédits prévoit des ateliers d'écriture et un séminaire en recherche-création. Pour clore son parcours, l'étudiant a le choix entre un projet de rédaction, un stage dans un organisme littéraire et un projet d'intervention en milieu communautaire. Cela peut être, par exemple, l'organisation d'un atelier d'écriture, d'un cercle de lecture ou encore d'activités de médiation littéraire.
«Ces trois profils font la force du DESS. Ils nous vaudront, j'en suis convaincu, des projets fort intéressants», se réjouit le professeur.