L’University of St. Michael’s College, une constituante de l’Université de Toronto et la plus prestigieuse université catholique au Canada, vient de décerner un doctorat honoris causa en théologie (DHC) au professeur de la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval, Gilles Routhier. L’annonce officielle a été faite le samedi 13 novembre par l’University of St. Michael’s College pendant la cérémonie de collation des grades de la Faculté de théologie, laquelle s’est déroulée à distance et en ligne en raison de la pandémie. D’un commun accord, la remise du doctorat honorifique au professeur Routhier se fera en présentiel dès que la situation sanitaire le permettra.
«On est toujours touché par un doctorat honorifique, souligne-t-il. Recevoir un DHC nous prend par surprise. Ce n’est pas l’aboutissement d’un travail fait. Cela vient par surcroît.»
Le communiqué de l’University of St. Michael’s College explique ce choix. D’abord, le professeur Routhier a bâti au fil des décennies un remarquable corpus de recherche. Il a écrit ou coécrit plus de 40 livres, publié plus de 160 articles révisés par des pairs et écrit plus de 180 chapitres de livres. Il a aussi donné plus de 300 conférences à travers le monde. Durant sa carrière, il a obtenu environ un million de dollars en subventions de recherche.
Le récipiendaire est un spécialiste des institutions ecclésiales dans la seconde moitié du 20e siècle. Il est reconnu internationalement pour ses travaux de recherche, ses publications, ses approches théoriques innovantes et son leadership scientifique.
Le professeur a aussi consacré beaucoup de temps à des tâches administratives à l’Université Laval, comme vice-doyen puis doyen, ainsi que dans la société, notamment à l’archidiocèse de Québec et à la Conférence des évêques catholiques du Canada. Il occupe depuis peu le poste de supérieur général du Séminaire de Québec.
«Être supérieur général est un beau et grand défi, dit-il, mais il n’est pas sans lien avec ce que j’ai fait dans ma carrière. Ce travail est d’autant plus agréable que l’Université Laval et le Séminaire ont des parentés et des liens très forts. Le Séminaire a mis l’Université au monde. Mon mandat se déroulera dans un contexte où cette institution cherche à se réinventer dans un autre siècle, où elle doit arriver à se repenser dans la continuité, à être présente pour jouer un rôle important dans la culture.»
Un expert du concile Vatican II
Gilles Routhier a fait ses études de théologie au Grand Séminaire de Québec, pour son baccalauréat et pour sa maîtrise. Ce temps, les années 1970, évoque une grande effervescence. «C'était l'époque, raconte-t-il, non seulement des mouvements étudiants, mais on tentait alors de repenser les programmes, les modes d'enseignement, les méthodes, et autres. C'était très vivant, dynamisant.»
Ordonné prêtre en 1979 au service de l’Église de Québec, Gilles Routhier accomplit un ministère pastoral en paroisse et auprès des jeunes. En 1987, il entreprend un doctorat en théologie à l’Institut catholique de Paris et un doctorat en histoire des religions et anthropologie religieuse à l’Université de Paris IV – Sorbonne. Sa thèse, soutenue en 1992, portait sur la réception, au diocèse de Québec, de l’enseignement de Vatican II sur le gouvernement ecclésial. La même année, il entrait à l’Université Laval comme professeur. «J’y suis professeur depuis, avec le sentiment d’apprendre encore», a-t-il déjà déclaré.
Le concile Vatican II, ou le IIᵉ concile œcuménique du Vatican dans son appellation longue, a commencé ses travaux en 1962 pour les terminer trois ans plus tard en 1965. Cet événement aura occupé une place très importante dans la carrière du professeur Routhier. «Le concile a été central dans la réflexion théologique dans la deuxième moitié du 20e siècle et j’ai été là au bon moment, explique-t-il. Je me suis consacré à ce sujet porteur qui touche à beaucoup d’aspects, notamment le dialogue interreligieux et la place du religieux dans la société. On m’a invité entre autres en Inde, au Brésil et en Italie, pour en parler.»
Les travaux de recherche du récipiendaire ont surtout porté sur le concile Vatican II, son enseignement, son histoire, son herméneutique et sa réception. Concurremment, l’enseignement, la direction de mémoires et de thèses dans les domaines de l’ecclésiologie, de la missiologie et de la catéchèse ont conduit ce dernier à élaborer une synthèse sur le devenir du catholicisme au Québec au cours de la période contemporaine.
Selon lui, les années 1960 ont vu un changement d’époque. Cela fut particulièrement vrai au Québec puisque se déroulait en même temps la Révolution tranquille. «On ne peut comprendre l’un sans l’autre, soutient-il. Il aurait pu y avoir un affrontement entre l’Église et l’État au moment, par exemple, de la création du ministère de l’Éducation. Il y a plutôt eu un gentlemen’s agreement.»
Et la foi dans tout cela? «Les grands bouleversements du passé, ça questionne, répond-il. Mais ce n’est pas quelque chose qui vous met par terre. J’ai toujours considéré que la foi ne bloque pas l’horizon, mais qu’elle l’élargit. La foi, c’est la confiance en la vie.»
Entre les équipes internationales de recherche et les étudiants
Gilles Routhier voit deux faits saillants à sa carrière. D’abord, ses activités dans de grandes équipes internationales de recherche, ensuite les étudiants en théologie d’hier et d’aujourd’hui qui sont passés par l’Université Laval.
Dans le premier cas, il cite en exemple l’équipe dirigée par le professeur Giuseppe Alberigo, de l’Université de Bologne, qui a écrit l’histoire de Vatican II en cinq volumes. Le professeur Routhier était au nombre d’une quarantaine de chercheurs de 18 pays, de diverses générations. «On se retrouvait au moins une fois par année, rappelle-t-il. C'était passionnant.» Il a eu la chance d’être intégré à une grande équipe internationale dès la première année de sa carrière de chercheur. «J’ai tout de suite été inséré dans un réseau international de contacts, souligne-t-il. Là-dessus, j’ai pu bâtir. Une fois introduit, on peut aller plus loin et multiplier les contacts.»
Quant aux étudiants, le récipiendaire dit avoir été et être encore aujourd’hui «tellement enrichi» à leur contact. «Ce qui me frappe le plus avec les étudiants actuels est leur diversité, indique-t-il. Nous en recevons des quatre coins du monde.» Avec une pointe d’humour, il rappelle qu’au début de sa carrière d’enseignant il s’était dit: «Pourvu qu’ils soient moins remuants que moi lorsque j’étais étudiant!».
Durant le discours d’acceptation qu’il prononcera lors de la cérémonie de remise de son DHC en présentiel, Gilles Routhier abordera notamment la question du legs. «Nous n’avons pas ouvert tous les chemins, dira-t-il aux diplômés en théologie. À vous de poursuivre et d’aller plus loin.»