Les personnes qui souffrent d’insomnie ou de fatigue diurne courent environ 20% plus de risque d’être impliquées dans des accidents de la route. Si elles ont régulièrement recours à des somnifères, le risque de collision est alors 50% plus élevé que celui observé chez les gens qui n’ont pas de problèmes de sommeil. Voilà les principaux constats qui se dégagent d’une étude publiée dans la revue Sleep par des chercheurs de l’Université Laval et de l’Université de Bordeaux.
Cette équipe a suivi pendant cinq ans un groupe composé de plus de 3400 adultes canadiens. Au moment du recrutement, les participants devaient répondre à des questions portant sur leur sommeil et ils devaient indiquer si, dans les 6 mois précédents, ils avaient été impliqués dans une collision alors qu’ils étaient au volant. Ils devaient aussi estimer, sur une échelle de 0 à 100, dans quelle mesure l’accident était attribuable à l’insomnie ou à ses répercussions diurnes soit la fatigue ou les problèmes d'attention. Le même exercice a été répété 6 mois et 12 mois après le début de l’étude, ainsi que tous les ans par la suite.
Au total, 456 accidents sont survenus pendant la durée de l’étude. Les analyses des chercheurs montrent que:
l’insomnie et la fatigue diurne sont associées à une augmentation du risque d’accident de 20% et de 21% respectivement;
la prise occasionnelle ou régulière de somnifères au cours de la dernière année est associée à une hausse de 50% du risque d’accident;
la prise régulière de somnifères – au moins 3 fois par semaine – pendant le dernier mois est associée à un risque d’accident 58% plus élevé;
le groupe le plus à risque est celui des femmes de 18 à 29 ans qui font de l'insomnie (80% plus élevé) ou qui souffrent de fatigue diurne (142% plus élevé).
Selon les participants, le manque de sommeil aurait joué un rôle dans près de 40% des accidents. «On a tendance à banaliser l'insomnie en tant que problème de santé, mais ses répercussions pendant la journée, soit la fatigue et le manque de concentration, peuvent avoir des conséquences très sérieuses lorsqu’on prend le volant», constate le responsable de l’étude, Charles Morin, de l’École de psychologie et du Centre de recherche CERVO.
Considérant la prévalence et la persistance élevées de l’insomnie et son association avec un risque accru de collision routière, il est important de dépister et de traiter les personnes qui en souffrent, souligne le chercheur. «Il faut aussi sensibiliser les gens au risque qu'ils courent et qu'ils font courir aux autres lorsqu'ils prennent le volant alors qu'ils sont fatigués. La bonne volonté ne suffit pas. Si l'envie de dormir se manifeste pendant que vous êtes au volant, la solution n'est pas de baisser les fenêtres ou de monter le volume de la radio. Il faut s'arrêter dans un endroit sécuritaire et faire un somme.»
Les auteurs de l’étude parue dans Sleep sont Charles Morin, Hans Ivers, Chantal Mérette, Mélanie LeBlanc et Josée Savard, de l’Université Laval, et Elemarije Altena et Pierre Philip, de l’Université de Bordeaux.