
Environ 95% des bleuets ont des champignons à leur surface au moment de la cueillette. De plus, les personnes qui manipulent les bleuets peuvent involontairement les contaminer avec des bactéries pathogènes. Le traitement avec une solution électo-activée permet de réduire de manière importante la flore fongique et bactérienne responsable de l'altération des bleuets.
C'est un hasard qui a mis Mohammed Aïder sur la piste de cette nouvelle méthode de conservation des aliments. En 2010, le chercheur avait noté quelque chose d'étrange dans un coin de son laboratoire. Un tube contenant une solution de lactose avait été oublié sur une table depuis plusieurs mois. «Cette solution, qui avait servi à une expérience impliquant une forme d'électrolyse, aurait normalement dû être envahie par des microorganismes. À mon grand étonnement, elle était demeurée intacte, même si les conditions d'entreposage étaient loin d'être stériles. Les analyses microbiologiques ont confirmé l'absence de bactéries et de champignons dans le tube.»
Cette solution de lactose avait été soumise à une forme d'électrolyse appelée électro-activation en solution. «Nous utilisons des sels d'acides organiques faibles déjà présents dans notre alimentation, par exemple du citrate de potassium et du lactate de calcium. Nous les plaçons en solution dans un réacteur aux extrémités desquelles se trouvent des électrodes, puis nous appliquons un courant électrique. Des réactions se déroulent à l'interface des électrodes et de la solution. Du côté de l'anode, la solution acide qui en résulte possède des propriétés oxydantes et antimicrobiennes intéressantes. Nous récupérons cette solution électro-activée pour traiter les aliments dont nous voulons prolonger la durée de conservation.»
Les chercheurs ont mis cette méthode à l'épreuve sur différents aliments, notamment sur des bleuets frais. «Environ 95% des bleuets ont des champignons à leur surface au moment de la cueillette, rappelle le professeur Aïder. Ces microorganismes ont des enzymes qui leur permettent de pénétrer dans le fruit. Plus il y a de champignons, plus ce processus se déroule rapidement.» De plus, les personnes qui manipulent les bleuets peuvent involontairement les contaminer avec des bactéries pathogènes, comme Listeria ou E. coli. «Pour réduire la charge microbienne et les risques de contamination, les bleuets sont parfois traités avec des produits chimiques, notamment des composés chlorés. Ces méthodes ont une efficacité variable et elles posent d'autres risques pour la santé humaine», souligne toutefois le chercheur.
Le professeur Aïder et ses collaborateurs Viacheslav Liato et Riadh Hammami ont donc testé différentes solutions électro-activées sur des bleuets frais du Québec. Pour ce faire, ils ont d'abord sélectionné des fruits fermes dont la surface était intacte et ils les ont inoculés avec deux espèces de bactéries pathogènes et trois espèces de champignons. Avant le traitement, chaque gramme de bleuet abritait 10 millions de bactéries ou 500 000 champignons. Les chercheurs ont placé ces fruits pendant 5 minutes dans une solution électro-activée, puis ils les ont lavés avec une solution neutralisante. Résultat? Le traitement a éliminé plus de 90% des bactéries et plus de 97% des champignons. Après six semaines de suivi, la fermeté et la couleur des bleuets, toutes deux mesurées objectivement à l'aide d'appareils conçus à ces fins, étaient demeurées intactes.
«La technologie d'électro-activation a permis de réduire de manière importante la flore fongique et bactérienne responsable de l'altération des bleuets, résume Mahommed Aïder. Nous croyons que les solutions électro-activées désintègrent la paroi cellulaire des microorganismes et perturbent leurs mécanismes internes.» Les effets de cette méthode sur le goût, la valeur nutritionnelle et l'innocuité des bleuets n'ont pas encore été étudiés, mais sur le plan microbiologique, les résultats sont encourageants, estime le chercheur. «Il s'agit d'une méthode naturelle peu coûteuse qui est aussi avantageuse sur le plan énergétique, fait-il valoir. Dans une autre étude, nous avons montré qu'elle pouvait servir à produire des légumes en conserve de meilleure qualité nutritionnelle, sans ajout de sodium, tout en réduisant les coûts énergétiques de 17%.»