Rappelons que la SLA, aussi connue sous le nom de maladie de Lou Gehrig, provoque une dégénérescence des neurones qui gèrent l'activité musculaire. Cette atteinte des neurones moteurs, dont les premières manifestations surviennent à l'âge adulte, entraîne un affaiblissement progressif des bras et des jambes, suivi d'une paralysie musculaire et, quelques années plus tard, de problèmes respiratoires graves qui conduisent à la mort. Cette maladie frappe de 5 à 7 personnes sur 100 000. Le seul médicament reconnu par la Food and Drug Administration des États-Unis pour traiter cette maladie est le riluzole, qui prolonge la vie des patients de quelques mois.
L'idée de recourir à des composés du ginseng indien pour traiter la SLA résulte de nombreuses études, dont certaines ont été menées par l'équipe de Jean-Pierre Julien à l'Institut universitaire en santé mentale de Québec. Le professeur Julien et ses collaborateurs ont démontré que la protéine TDP-43 était surexprimée dans la moelle épinière de personnes décédées des suites de la SLA. Cette surexpression entraîne la formation d'agrégats de TDP-43 dans le cytoplasme ainsi qu'une réponse inflammatoire exagérée qui augmente la vulnérabilité des neurones aux molécules neurotoxiques qui circulent dans l'organisme. Les chercheurs ont aussi montré que TDP-43 interagit avec la protéine NF-kB, qui joue un rôle clé dans la réponse immunitaire et dans l'inflammation et qui est, elle aussi, associée à plusieurs formes de SLA.
C'est ce qui a conduit les chercheurs à tester l'effet d'un inhibiteur connu de la NF-kB, la withaférine A, sur des souris transgéniques exprimant la maladie. Cette molécule naturelle produite par le ginseng indien (Withania somnifera) s'est révélée efficace pour réduire l'inflammation, améliorer le contrôle moteur, restaurer partiellement les jonctions neuromusculaires et ralentir la progression de la SLA. «Il y a toutefois deux problèmes avec la withaférine A, souligne Jean-Pierre Julien. Elle est rapidement dégradée dans l'organisme et, à dose élevée, elle peut avoir des effets toxiques.»
Anthony Shaw, Agnes Chan et le professeur Julien ont formé une compagnie, ImStar Therapeutics, dont l'objectif était de trouver des analogues supérieurs à la withaférine A pour le traitement de la SLA. Ces mêmes molécules pourraient servir à traiter d'autres maladies caractérisées par la formation d'agrégats de TDP-43, notamment la démence frontotemporale, le parkinson, l'alzheimer et le déficit cognitif léger. Pour y arriver, les chercheurs ont d'abord testé des analogues naturellement présents dans le ginseng indien et ils ont caractérisé ceux qui donnaient les meilleurs résultats. «À partir de ces observations, nous avons créé des variantes de la molécule originale, explique Jean-Pierre Julien. L'un de ces analogues, le IMS-88, a donné des résultats encourageants sur le plan de l'inhibition de la NF-kB dans des cultures de neurones. La prochaine étape consiste à en faire l'essai sur des souris transgéniques. L'année qui vient sera déterminante pour l'avenir de notre projet.»