
Lors de sa dernière tournée dans les pays africains, le ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan, a parlé d’une politique de soutien de la paix plutôt que de maintien de la paix. Quelle est la différence?
Au moment du lancement des opérations de maintien de la paix, dans les années 1950, il s’agissait véritablement d’accords de paix. Rappelez-vous l’exemple de Chypre en 1964 (les Grecs et les Turcs se disputaient cette île méditerranéenne, NDLR). Les belligérants ayant accepté la résolution de l’ONU, les Casques bleus présents sur place faisaient respecter l’accord et la ligne verte de démarcation (zone démilitarisée qui sépare la partie turque de l’île de Chypre de la partie contrôlée par la Grèce, NDLR). Puis, dans les années 1990, la situation a beaucoup changé. Par exemple, au Rwanda et dans les Balkans, il était devenu beaucoup moins clair que les parties en présence appuyaient vraiment la mission de paix. Voilà donc pourquoi on s’est mis à parler de soutien ou d’appui à la paix, plutôt que de maintien. Idéalement, au moins un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU devrait appuyer, sans équivoque, une mission de paix pour qu’elle soit vraiment prise au sérieux. Or, chaque mission des Nations unies découle de résolutions votées au Conseil de sécurité. Les Casques bleus doivent donc disposer d’un mandat clair sur le terrain. De plus, si des pays comme la Grande-Bretagne, la France ou les États-Unis participent à une mission avec des ressources logistiques, des troupes sur le terrain et du personnel médical, cela fait une grande différence.
Comment s’assurer que les Casques bleus aient un comportement respectueux des populations locales, alors que des affaires de violences et d’agressions sexuelles entachent la réputation de plusieurs unités?
Tout est d’abord une question de leardership sur le terrain. La qualité des chefs en place détermine l’ambiance de la mission. Par exemple, certaines des unités étrangères qui se trouvent présentement sur le terrain appartiennent à des armées moins professionnelles que la nôtre. Les soldats canadiens pourraient donc participer à la formation des prochains Casques bleus, un peu comme le faisaient les formateurs canadiens du Centre Pearson pour le maintien de la paix jusqu’à sa dissolution, en 2013. Personnellement, j’ai participé à plusieurs colloques organisés par ce centre et j’ai aussi formé des officiers francophones africains en Côte d’Ivoire. Le Canada dispose, sur le plan militaire, d’une justice efficiente et d’une culture relativement semblable aux autres pays de l’OTAN. Bien sûr, cela n’empêche pas des dérapages. Cependant, dès que les incidents sont connus, des actions immédiates sont prises et les coupables subissent de lourdes conséquences.
Selon vous, quels seront les pays dans lesquels des Casques bleus canadiens pourraient être envoyés, d’ici quelques mois?
Pour l’instant, on parle beaucoup de l’Afrique. Le ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan, accompagné entre autres du général Roméo Dallaire, a visité cinq pays du continent. Il existe plusieurs missions dans cette région du monde, comme la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo (MONUSCO), qui est la plus grosse mission de l’ONU actuellement avec près de 20 000 soldats. Certains évoquent aussi une mission à venir au Soudan du Sud ou encore en Colombie, où un accord de cessez-le-feu vient d’être signé. Il faudra maintenant voir quels seront les choix du gouvernement canadien selon ses intérêts et le type de personnel à déployer. Le Canada veut-il contribuer à une mission en envoyant des soldats, du personnel médical et des spécialistes des communications? Pendant longtemps, la participation du Canada dans des missions de paix a fait partie de notre identité nationale. Puis, l’échec de certaines missions a terni quelque peu l’image de l’ONU. En revenant vers ce type d’engagement aujourd’hui, je crois que le Canada a tout à gagner en matière de renommée internationale. Bref, malgré les critiques dont les Nations unies font l’objet, cette organisation est, à mon sens, là pour rester. On a donc tout intérêt à y participer et à l’influencer.