
L'exposition universelle de Montréal de 1967 reflète l'ouverture d'un peuple sur le monde.
— DJ Berson
«L'image la plus populaire est une photo de René Lévesque, indique Jocelyn Létourneau, professeur au Département des sciences historiques et premier auteur de l'étude. Plus de la moitié des répondants l'ont choisie.» Selon lui, l'ancien premier ministre du Québec occupe une place centrale dans le panthéon et dans l'imaginaire québécois. «La place de Lévesque concorde avec ce que d'autres enquêtes ont révélé, poursuit-il. Il est devenu un pivot de ce qu'a été notre histoire. Il est devenu consensuel. Il incarnait le Québec nationaliste moderne et il a contribué très positivement à l'avancement des Québécois.» Selon la professeure Johanne Daigle, qui a également pris part à l'étude, Lévesque était très aimé. «Il était près des gens, explique-t-elle, et il incarnait la fierté d'un peuple, son ambiguïté aussi. Il ressort comme la figure emblématique d'un Québec qui s'accomplit dans le temps.»
La photo du chef péquiste a été choisie par 55% des répondants. Aucune autre image n'a obtenu un score supérieur à 50%. Seules trois autres images ont été choisies par plus de 40% des répondants. La première porte sur le référendum de 1980 sur l'avenir politique du Québec (47%). La suivante est celle du hockeyeur vedette des Canadiens de Montréal, Maurice Richard (45%). La troisième est une peinture illustrant la prise de Québec, en 1759, par l'armée britannique (43%).
Pour les deux professeurs, le référendum de 1980 est associé dans l'imaginaire populaire à «la division d'un peuple». Maurice Richard, quant à lui, représente le héros mythique souvent associé à l'identité canadienne-française rebelle. Quant à la prise de Québec, perçue comme un grand changement historique, les répondants anglophones autant que francophones la voient comme un événement référentiel de la mémoire collective.
Plusieurs images ont obtenu entre 30% et 36% des choix. La figure du patriote de la rébellion de 1837-1838 (30%) symbolise le nationalisme. L'autochtonie est représentée, entre autres, par une aquarelle de 1788 montrant un campement amérindien (36%). La liste comprend aussi quelques images représentant les ressources naturelles et la culture, comme le barrage hydro-électrique Manic 5 en 1973 (32%) et l'exposition universelle de Montréal de 1967 (31%).
«Manic 5 et Expo 67 sont deux images très fortes, soutient Johanne Daigle. Il s'agit de deux icônes de la Révolution tranquille, celles d'un peuple capable de grandes choses et ouvert sur le monde.»
Les participants ont rejeté cinq images qu'ils considéraient comme les moins représentatives de l'histoire du Québec. La principale est un cliché de 1982 montrant la reine Elizabeth II signant, sous les yeux du premier ministre Pierre Elliott Trudeau, le document sanctionnant le rapatriement de la Constitution du Canada. Rappelons que le Québec fut la seule province à ne pas consentir à ce rapatriement historique. «Nous qualifions ces images d'inconfortables, indique Jocelyn Létourneau. Les répondants ne nient pas ces dimensions, qu'il s'agisse du rapatriement de la Constitution, de la présence des anglophones ou de la participation à la guerre. Mais les gens les perçoivent en opposition à leur histoire. Ils considèrent le Québec comme une nation francophone résiliente, résistante et plutôt pacifique, où la diversité n'est pas une composante majeure.»
Les disparités de sélection les plus fortes s'observent entre francophones et anglophones. Cela est particulièrement frappant en ce qui concerne René Lévesque, le référendum de 1980 et la figure du patriote. Les francophones ont sélectionné ces images à la hauteur de 58%, de 51% et de 32%. Chez les anglophones, les pourcentages tombent respectivement à 39%, 26% et 19%. «Le mot clé des anglophones est la diversité, souligne le professeur Létourneau. Cela explique pourquoi plusieurs ont choisi les images des autochtones. Chez les francophones, le mot clé est la dualité, que l'on trouve notamment dans la prise de Québec et dans les référendums de 1980 et de 1995.»
Selon lui, les choix des répondants ne dénotent ni amertume, ni ressentiment. «Ils reflètent, dit-il, une vision assez positive de ce que fut le Québec.»
Les deux autres chercheuses associées à cette étude sont Claire Cousson, actuellement directrice de la Fondation François-Lamy et Lucie Daignault, chargée de recherche au Musée de la civilisation.